Le 14 novembre 2016
- Dessinateur : Maria Surducan
- Festival : Quai des Bulles 2016
- Date de sortie : 29 octobre 2016
Le festival malouin n’oublie pas que la BD européenne est plus vaste que sa partie émergée Franco-Belge. Aussi, au travers d’une rencontre avec Maria Surducan, auteure exposée au Chat-Bada, présente en dédicaces et François Montier, organisateur du festival Roumain de Sibiu, Quai des Bulles nous permet de découvrir la BD Roumaine.
Les deux intervenants nous expliquent que dans les pays de l’est, la BD ne s’est pas beaucoup développée. D’après eux, la Serbie et la Roumanie sont les deux principales contrées proposant une richesse de création. En Roumanie, on retrouve un curieux paradoxe. Des auteurs produisent des BD, des éditeurs éditent mais le marché reste faible. D’après les analyses de François Montier et Maria Surducan, il peut y avoir plusieurs raisons à cela.
Maria Surducan et François Montier, face au public
Partons de la base, les auteurs de BD. Ceux-ci sont nombreux et variés. Mais de quoi parlent-ils donc, ces auteurs de BD ? Quels sont leurs sujets de prédilection ? De manière assez étonnante, Maria nous explique que nombre d’entre eux puisent leur inspiration dans les mythologies et le folklore Roumain, les fées, les animaux monstrueux... Ces auteurs adaptent à leur sauce les sources même de leur culture. D’autres s’appuient sur l’histoire et présentent des aspects particuliers d’événements plus ou moins connus.
Dans tous les cas, les sujets partent du pays, de son histoire et de sa culture !
La BD de Maria Surducan, dont on sent l’inspiration folklorique
Mais alors, le public devrait être intéressé, puisque ces BD lui parlent de son pays ?
Malheureusement, d’après Maria Surducan, les auteurs de BD roumains créent des histoires d’abord pour eux, puis pour le public. Cela a donné des opus tirant vers l’expérimental. En tout cas, aujourd’hui, il y a peu, voire pas de BD grand public. De plus, si Maria Surducan et son collectif constituent une exception en racontant leurs histoires sur un ton plutôt positif, François Montier rappelle que le traitement habituel est plutôt pessimiste.
BD monochrome de George, ambiance sombre ?
Ce qui expliquerait la frilosité des éditeurs ?
Un auteur de BD qui tire à mille exemplaires peut s’estimer heureux. Pour Maria, on ne peut vivre de la BD, elle-même exerce à côté le métier d’illustratrice au sens plus large. D’autres se tournent vers le web comme débouché de leurs travaux.
Sonia Vasilescu, auteure qui publie en ligne.
De plus, le public – on en revient toujours à lui -, vu le niveau de vie du pays, n’engagerait certainement pas plus de dix euros pour se procurer une BD. Et il y a un autre problème important qu’il faudra résoudre pour que la BD se répande : la distribution qui s’avère complexe.
Les auteurs ont donc développé deux sources de financement, le crowdfunding – ou plus prosaïquement le financement participatif – ou bien les aides publiques des institutionnels. Et ces aides publiques qui se versent en fonction des sujets traités expliquent aussi l’importance des thèmes historiques.
Ce qui soulève la question, mais comment diantre amener les Roumains à la BD Roumaine ? Le pari serait-il perdu d’avance ?
Non, car François explique que plusieurs solutions se mettent en place. Tout d’abord, les fanzines, qui se développent et permettent à des auteurs de se réunir pour toucher plus facilement leur public.
Hac, fanzine Roumain aux couvertures diverses et attrayantes !
Et puis, il y a les festivals. Arrivé en Roumanie en 2012, François Montier, en constatant le dynamisme de la BD locale, a décidé de monter un événement. Ainsi est né le festival de Sibiu aujourd’hui à sa quatrième édition et qui avait un stand et des auteurs en dédicace à quai des Bulles.
Le festival a opté pour la mise en avant des auteurs Roumains et proposent ainsi 80% d’auteurs locaux contre 20% d’auteurs étrangers.
Le Festival de Sibiu à Quai des bulles !
Maria, elle, a connu la BD quand elle avait douze ans, car lire les BD françaises était le meilleur moyen d’apprendre le français. Cet aspect clé ne peut être négligé dans le cheminement des jeunes Roumains vers la BD. En effet, pour elle, avec Astérix, les Schtroumpfs, elle lisait des BD, découvrait des histoires et apprenait une langue. Car la francophonie est importante en Roumanie. Et puis, plus tard, lire des BD relevait d’une activité subversive. La BD étrangère est arrivée en Roumanie avec le parti communiste qui présentait Pif et Vaillant. Et Maria de préciser que si les thèmes traités aujourd’hui sont bien spécifiques, la Roumanie n’a pas vécu en autarcie et la BD franco-Belge a néanmoins influencé la compatriote de l’Est.
Pour Maria, découvrir qu’on pouvait raconter des histoires en dessins lui a donné l’envie de devenir auteure de BD.
Adrian Barbu, influence de la BD Franco-belge ?
François et Maria nous ont donc présentés les possibilités futures du développement de la BD Roumaine chez elle. Mais si nous en sommes à ce stade, la BD Roumaine pourrait-elle un jour s’exporter hors des frontières nationales ?
Bien sûr car plusieurs auteurs roumains, alors qu’ils ne parvenaient pas à être édités en Roumanie, ont trouvé des débouchés à l’étranger et certains sortent leur BD chez Soleil, Casterman, Glénat...
Tambala, auteur Roumain publié en France !
Alors François Montier et Maria Surducan sont optimistes pour l’avenir de la BD Roumaine. D’autant que, précise François, lors d’un concours jeune talent BD, il a reçu pas moins de cent trente planches venant de tout le pays. Des auteurs en herbe qui avaient déjà une compréhension fine de la BD. La relève est assurée !
Pour conclure, le plus beau signe d’espoir est venu du public : Dans la salle, une classe de jeunes, fraîchement arrivée de Roumanie grâce à l’Alliance Française, assistait à la conférence. Dans un français hésitant, timidement, ces élèves ont posé les bonnes questions : "- Monsieur, comment je peux faire pour trouver ces BD près de chez moi ? - Et moi, Monsieur ? - Et moi ? "
Galerie Photos
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