Le 10 janvier 2024
Un film jamais féministe, et pourtant qui raconte avec une acuité des plus sensibles l’envers du décor, dans l’univers très machiste des astrophysiciens qui se préparent à aller sur Mars. Fort et original.
- Réalisateur : Alice Winocour
- Acteurs : Grégoire Colin, Matt Dillon, Eva Green, Sandra Hüller, Nancy Tate, Lars Eidinger, Zélie Boulant-Lemesle
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h46mn
- Date télé : 10 janvier 2024 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 27 novembre 2019
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Résumé : Sarah est une astronaute française qui s’apprête à quitter la terre pour une mission d’un an, Proxima. Alors qu’elle suit l’entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d’hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
Critique : On commence à être habitué à un cinéma qui nous transporte dans les hauteurs fantasmatiques de Mars ou de la Lune. Cette fois, l’œuvre de la très brillante Alice Winocour s’intéresse à l’entraînement que subissent les astronautes, avant une envolée dans l’espace, du point de vue d’une femme, Sarah Loreau, qui n’est pas seulement une brillante physicienne, mais avant tout une mère divorcée, partagée entre sa vie professionnelle et son devoir de maman. Le cinéma de Winocour nous a souvent offert un cinéma militant avec des personnages féminins, intègres et courageux dans des univers culturels ou sociaux, particulièrement rétifs à la question de l’émancipation de la femme. La réalisatrice raconte, à travers le destin de cette héroïne hors norme, à quel point les femmes doivent, pour bénéficier d’opportunités professionnelles, renoncer à leur maternité, et surtout, déployer beaucoup plus d’efforts que leurs collègues masculins, en plus d’être déconsidérées ou réduites à des objets de désir.
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Proxima est le nom donné à ce centre d’entraînement, où les élus à des voyages interstellaires investissent un univers confiné, qui les oblige à des efforts intellectuels et physiques, absolument terrifiants. Force est de constater que la réalisatrice s’est très bien documentée. On découvre avec intérêt les machineries infernales qui préparent les astronautes à leur mission incroyable, l’arsenal médical qui les entoure, et la pression physique et psychologique qui les assomme. On n’est pas loin finalement des entraînements sportifs de haut niveau, auxquels se soumettent les prétendants, au point de se corrompre eux-mêmes dans ce qui les fonde profondément, ou de renoncer à leur propre humanité. Le non-dit, le mensonge, la rivalité, l’absence d’empathie occupent le cœur des relations entre les professionnels de cet univers et leurs entraîneurs. Le lâcher-prise, la douleur n’ont pas de place dans ce monde où le machisme demeure la valeur centrale.
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Sarah, interprétée par une Eva Green stupéfiante, représente le condensé d’un combat, pour faire cohabiter son engagement maternel et son désir de participer à l’histoire de la conquête de l’espace. Le film met en lumière, dans son générique final, une panoplie d’astronautes du sexe féminin, qui démontre qu’elles ont été à la fois très nombreuses et finalement minoritaires, dans un univers masculin et orgueilleux. On est loin d’un cinéma de science-fiction. A la limite, l’exploration spatiale demeure une opportunité scénaristique pour raconter la lutte des femmes, afin de faire valoir leurs compétences qui prévaut dans tous les univers professionnels. On pourrait d’ailleurs voir beaucoup d’excès dans la relation entre la mère et la fille. En vérité, on mesure à quel point nos sociétés occidentales modernes assignent aux femmes un rôle prépondérant et exclusif dans l’éducation des enfants, au mépris de leur carrière. Mais le propos ne verse jamais dans la démagogie. Sarah commet parfois des erreurs éducatives ou des fautes professionnelles, non pas au nom de sa fonction maternelle, mais au prix de l’amour qui la lie à sa fille.
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Les comédiens sont engagés dans ce récit de façon tout à fait sincère. Certes, la mise en scène souffre d’un certain académisme, l’écriture des personnages verse parfois dans la radicalité ou la caricature. Mais force est de constater qu’il est tout à fait agréable de céder à la beauté du rapport entre cette femme et sa fille. Le spectateur échappe à un cinéma social lénifiant ou catastrophiste et peut se projeter dans cette relation d’amour, d’une évidente pureté. On ne perd pas une miette de cette lutte intérieure et physique que mène Sarah avec une rare détermination. Proxima rend un hommage évident à l’ensemble des femmes isolées, qui doivent composer entre l’exigence de leur rôle parental et la nécessité matérielle et économique de leur statut. Le découragement n’est jamais loin et l’exemple de Sarah, extraordinaire, est peut-être une invitation à poursuivre ou commencer le combat pour toutes ces mères isolées, que la société condamne pour une majorité d’entre elles à la pauvreté et au mépris.
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