La violence du désir
Le 8 mars 2013
Une chronique sociale intemporelle, sans grand impact mais dotée d’une sensibilité ingénue des plus rafraîchissantes.
- Réalisateur : Eric Guirado
- Acteurs : Jérémie Renier, Julie Depardieu, Lucien Jean-Baptiste
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Durée : 1h38mn
- Titre original : Possessions
- Date de sortie : 7 mars 2012
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Une chronique sociale intemporelle, sans grand impact mais dotée d’une sensibilité ingénue des plus rafraîchissantes.
L’argument : Marilyne et Bruno Caron arrivent dans un village de montagne pour emménager dans un chalet qu’ils ont loué à Patrick Castang, promoteur et propriétaire de nombreuses habitations dans la région. Contents de quitter le nord de la France pour démarrer une nouvelle vie, ils acceptent sans sourciller quand Castang leur annonce qu’il va les loger momentanément dans un autre chalet de grand standing car le leur n’est pas terminé. S’ensuivra alors une succession de déconvenues qui va les conduire à déménager de nombreuses fois, avec le sentiment grandissant d’être traités sans aucune considération, alors même que les Castang multiplient patiemment et avec bienveillance les efforts envers eux. Les relations entre les deux familles vont se tendre. Bruno et Marilyne Caron ne supportent plus d’avoir sous leurs yeux le bonheur et l’abondance de biens des Castang.
Leur amertume, alimentée par la jalousie, l’envie et la frustration, finira par devenir de la haine.
Notre avis : Libre adaptation d’un fait-divers sordide, Possessions s’inspire directement de “L’Affaire Flactif” qui eut lieu en 2003. Egalement surnommé “La Tuerie du Grand-Bornand”, l’évènement suscita à l’époque un véritable engouement médiatique et nombre de livres et documentaires lui furent consacrés. Le long-métrage s’appuie donc sur l’authentique histoire du meurtre d’une famille savoyarde par un de leurs locataires. Le réalisateur Eric Guirado (Quand tu descendras du ciel, Le fils de l’épicier), lui même originaire de cette région, délivre avec Possessions un drame social sombre. Plus soucieux de rendre compte de la psychologie des protagonistes que de matérialiser une reconstruction des faits, le cinéaste base sa réalisation sur une esthétique crûe, pourtant grêlée de cadres à l’attrait surnaturel.
Si l’image est peu stylisée de prime abord, par un probable souci de réalisme, elle se révèle peu à peu mue par une volonté artistique toute particulière. Les seuls moments de douceur et de délassement qu’accorde le long-métrage sont des instants volés à l’obscurité. Les montagnes baignées de reflets lunaires donnent à Possession des allures de conte fantastique. Mêlant atmosphères tangibles et lugubres, le film crée un rythme visuel des plus agréables. La seule fausse note réside dans les choix de mise en scène inopportuns, qui font de temps à autre ressembler Possessions à un poussiéreux téléfilm.
A l’instar de Cédric Kahn avec Une vie meilleure ou de Klapisch avec Ma part du gâteau, Eric Guirado traite à son tour le thème du sur-endettement sans se départir d’une certaine sensibilité. Possessions ressasse l’éternelle histoire du gouffre social existant entre les riches et les pauvres. La violence du contraste entre l’exubérante richesse du couple Castang et la simplicité fruste des Caron est manifeste, d’autant plus que ni l’un ni l’autre ne semblent concevoir l’existence qu’a travers leurs possessions matérielles respectives. Ce faisant, le long-métrage endosse le costume de chronique sociale contemporaine et dénonce la société de consommation dans laquelle évoluent ces personnages.
L’injonction biblique de l’affiche est d’ailleurs révélatrice : « Tu ne convoiteras point ». Ce commandement, directement issu des textes sacrés, fait référence à l’un des sept péchés capitaux : l’Envie. L’homme est ainsi fait qu’il est sans cesse en proie à ses désirs, au risque de se dans les méandres de la convoitise, de l’amertume et inévitablement de la jalousie. Pathologiquement incapable d’être satisfait, ce dernier va tenter d’atteindre le bonheur de quelque manière qu’il soit. Possessions met en avant des êtres à la recherche de cette réalisation par voie matérielle.
Toute la subtilité réside évidement dans la mise en scène de la complexité des sentiments humains. S’il est possible au spectateur de comprendre la violence des actions exposées, il ne peut en aucun cas les cautionner. Jérémie Renier (Dikkenek, Bons baisers de Bruges) et Julie Depardieu (Libre échange, L’art d’aimer) forment le couple beauf par excellence, et tous deux s’affirment pleinement à l’écran dans le cadre qui leur convient le mieux. La séquence où Julie Depardieu s’extasie sur le clip d’une chanteuse quelconque et ridiculement commerciale, les yeux emplis d’étoiles, est particulièrement savoureuse.
Possessions ne révolutionne certes pas le genre du drame social, mais reste malgré cela une réalisation honnête et agréable, que l’on regarde distraitement mais avec indulgence.
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