Le 15 juillet 2021
Les excès de Zulawski et d’Adjani n’ont pas pris une ride dans ce drame d’épouvante, survolté et passionnant.
- Réalisateur : Andrzej Zulawski
- Acteurs : Isabelle Adjani, Sam Neill, Margit Carstensen, Heinz Bennent, Carl Duering
- Genre : Épouvante-horreur, Drame fantastique
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Gaumont Distribution, Tamasa Distribution
- Durée : 2h02mn
- Reprise: 14 juillet 2021
- Date de sortie : 27 mai 1981
- Festival : Festival de Cannes 1981
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Résumé : Rentrant d’un long voyage, Marc retrouve à Berlin sa femme Anna et son fils, Bob. Mais rapidement, il se rend compte que le comportement de sa femme a changé. Prise de violentes crises, elle quitte le domicile. L’amie du couple, Annie, révèle à Marc le nom de l’amant d’Anna, Heinrich. Lorsqu’elle disparaît, Marc engage un détective qui découvre bientôt qu’Anna s’est réfugiée dans une étrange demeure où semble se cacher une créature surgie des ténèbres...
Critique : Cela pourrait être l’histoire d’un adultère qui tourne mal. C’est surtout le récit du drame de la violence conjugale dont on ne peut plus aujourd’hui méconnaître les enjeux. Zulawski met en scène Adjani en 1981. Il investit la fougue qu’on lui connaît déjà et qui suivra toute sa carrière dans des œuvres fulgurantes comme L’Amour Braque, La Femme publique ou La Fidélité. Morale, violence, hystérie et irrationalité du désir s’invitent dans ce film, Possession, qui a permis à l’immense comédienne Adjani de remporter un prix d’interprétation à Cannes et un premier César. Elle incarne une épouse qui revendique sa liberté, prise dans les tourments d’un mari jaloux et manipulateur. Cette institutrice ingénue, devient ensuite, peu à peu, un être décomposé qui succombe à la folie. Les cris, le sang, les outrances traversent cette œuvre excessive dont, déjà, on pressent la modernité dans la façon dont le réalisateur dénonce, sans concession, les violences faites contre les femmes.
- Copyright Tamasa Distribution
Il ne faut pas s’attendre à du calme quand on aborde un film du cinéaste Zulawski. La référence au genre de l’épouvante n’est qu’une opportunité narrative pour donner vie à la fougue et l’excès des comédiens. On ne peut s’empêcher de penser à cette réalisatrice qui ouvre le film L’important c’est d’aimer et pousse la comédienne pornographe (sublime Romy Schneider) à crier son amour pour l’acteur sur lequel elle est assise. Adjani en fait trop dans les tourments, les hurlements, mais c’est exactement ce qu’on recherche dans une œuvre de Zulawski. Le cinéaste joue avec le réel, cultive non sans plaisir la relation nocive du couple à laquelle se substitue peu à peu la possession avec une créature visqueuse et ténébreuse. La schizophrénie habite les personnages dans des univers où les objets deviennent des passeurs de violence et les habitants survivent dans des bâtiments sinistres. Le réalisateur joue avec les codes, n’hésitant pas à emprunter la voix de l’ironie et du cynisme quand il s’agit, par exemple, de dénoncer le racisme ou les conflits internes que l’Allemagne tente d’apaiser avec son passé nazi. Isabelle Adjani excelle dans le passage des rires aux larmes, de la persécution à la tyrannie, de la naïveté à la violence, emportée par une mise en scène riche en contrastes.
- Copyright Tamasa Distribution
On pourrait voir dans ce film un essai misogyne, qui fait des femmes des êtres possédés. Pour autant, les hommes sont attaqués dans leur virilité, succombant aux torpeurs de leur fragilité, gesticulant comme des pantins ou refusant le désir féminin. La bête dont Anna partage le domicile d’emprunt constitue l’apogée d’un modèle masculin rompu à l’impuissance. Les femmes dominent le récit jusqu’à devenir elles-mêmes monstrueuses, même si elles sont l’enjeu de manipulations et de violences. Une scène très importante montre Anna filmée par son conjoint, qui donne des cours des danse, maltraitant de surcroît ses jeunes élèves. Elle incarne alors l’ambivalence de la fragilité et de la violence. Le cinéaste et sa caméra s’invitent comme des témoins dans la tentative désespérée de l’épouse pour sortir de la dépendance aux hommes, du rôle ménager ou maternel que la société lui assigne, l’empêchement trouvant son illustration dans la possession mentale et physique.
- Copyright Tamasa Distribution
Tamasa Distribution redonne vie avec les nouvelles technologies à un grand film, original et courageux. C’est l’occasion de se confronter de nouveau au talent incontestable d’Isabelle Adjani. En atteste cette célèbre scène du métro où la comédienne s’abandonne aux agitations quasi dansées de la possession démoniaque. Elle se tord, hurle, s’asperge de produits alimentaires, comme déjà un cri poussé contre les violences commises contre les femmes qui asphyxient nos sociétés contemporaines.
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