Paupières bleues

Rencontre au sommet de deux âmes esseulées, Paupières bleues aborde avec finesse la solitude, faisant de cette première œuvre d’Ernesto Contreras une bonne surprise.

L’argument : Marina est employée dans une entreprise, dont la fondatrice, sorte de mère bonheur, tire au sort un de ses salariés à qui est offert une petite escapade. Cette année, elle est l’heureuse élue pour un voyage à deux dans la station balnéaire de la Playa Salamandra. Problème : elle n’a personne avec qui partager le séjour gagné. Elle jette alors son dévolu sur Victor, un ancien camarade de classe rencontré par hasard.

Notre avis : Marina et Victor représentent chacun l’archétype de la personne minée par la solitude, prête à tout pour en finir avec elle. Marina fait semblant de reconnaître Victor qui se présente comme un camarade de classe et ce dernier s’en contente. Leur objectif à tous les deux : mettre en place une relation express qui donnera du sens à leur future escapade en "tourtereaux". Pour son premier film, le réalisateur mexicain Ernesto Contreras s’emploie à démontrer plan par plan que la tâche s’avèrera plus qu’ardue. Le vide qui imprègne l’existence de ses héros est bien évidemment rendu par l’excellent jeu des acteurs, mais il est aussi amplifié par toutes les composantes de l’intrigue. Le sentiment se répercute dans les décors, dans la façon dont les personnages sont filmés. Contreras s’attarde sur une Marina attablée toute seule dans sa cuisine, sur un Victor quasiment prostré devant le spectacle que lui offre la rue. Même à deux, la solitude semble encore leur coller à la peau comme un ami bavard dont on aurait du mal à se débarrasser. Les Paupières bleues est un long métrage qui dépeint avec un certain à-propos, l’un des nouveaux maux de la société. La détresse de l’homme seul s’apparente ainsi à une plaie difficilement cicatrisable. La bonne volonté ne suffit même pas toujours à chasser les ombres qu’elle laisse planer dans une existence. Même dans la relation à l’autre, elle demeure omniprésente, chacun s’enfermant dans sa tour d’ivoire. Paupières bleues, présenté au dernier festival de Cannes dans le cadre de la semaine de la critique et déjà auréolé de nombreuses récompenses dans son pays, est une fiction totalement maîtrisée dans son propos et dans son rendu. Pour son premier devoir de classe au cinéma, Ernesto Contreras mérite une mention bien, notamment pour les dernières images de son film, summum de sa démonstration. Elles méritent largement, elles aussi, un petit jeu de paupières.