Le 28 août 2014
- Scénariste : Goscinny, René>
- Dessinateur : Uderzo, Albert
- Série : Astérix
- Genre : Humour
Nous sommes en 50 avant Jésus Christ. Toute l’île de Bretagne (l’actuelle Angleterre) est occupée par les troupes de Jules César. Toute ? Non. Car un petit village résiste encore et toujours à l’envahisseur romain.
Ainsi commence ce huitième opus des aventures d’Astérix et Obélix. Ce petit village breton, transposition outre-manche du village de nos héros, est aux abois : il résiste, mais, ne disposant pas de la potion magique du druide Panoramix, sa chute est inéluctable. Le chef du village, Zebigbos, envoie alors en Gaule Jolitorax, fier guerrier qui présente la particularité d’être le cousin germain d’Astérix. Sa mission : ramener de la potion magique, dernier espoir du village. Les gaulois acceptent de lui venir en aide, mais, arrivé sur l’île, le tonneau de potion disparaît.
A l’issue d’une quête effrénée, émaillée de gags, de bagarres et de quiproquos, le tonneau finit par être brisé et son contenu perdu. C’est compter sans la ruse d’Astérix, qui infuse dans l’eau chaude de cinq heures des herbes mystérieuses, en faisant croire aux bretons qu’il s’agit de potion. Galvanisés, ceux-ci mettent les romains en déroute. C’est la naissance de la boisson « nationale » de la Bretagne, le thé
C’est un fait établi, la force des scénarios de Goscinny est de proposer plusieurs niveaux de lecture, que l’on soit enfant ou adulte (de 7 à 77 ans, en somme). Les plus jeunes lecteurs se régalent des gags, des bagarres, tandis que les plus âgés y trouvent également leur compte, grâce aux nombreuses références, et autres clins d’œil dont ces albums regorgent. Dans Astérix chez les Bretons, particulièrement, Goscinny s’en donne à cœur joie : il déroule consciencieusement tous les clichés les plus éculés concernant l’Angleterre et ses habitants.
On peut citer, pêle-mêle, le fog (brouillard typique), qui succède à la pluie, la cuisine, repoussante pour les continentaux (le sanglier bouilli à la menthe, la cervoise tiède), le rituel de l’eau chaude à cinq heures (ils n’ont pas encore de thé à y faire infuser), accompagné de « rôties »(traduction littérale de « toasts »), le week-end, pendant lequel les bretons cessent de se battre, le rugby, qui se joue avec une calebasse, la conduite à gauche...... on croise même au détour de la page 19 les ancêtres des Beatles, pris dans une émeute de jeunes bretonnes hystériques.
Mais l’un des éléments comiques récurrents les plus efficace reste la transcription littérale en français de la syntaxe anglaise : les adjectifs sont placés avant les noms (« une romaine patrouille »), le « n’est-il pas ? », traduction du « isn’t it »...... le peuple breton, et par extension le peuple anglais, est dépeint comme un peuple étrange, avec des coutumes grotesques, mais Goscinny n’oublie pas de rappeler que ce peuple, descendant de tribus gauloises venues s’installer en Bretagne et parlant toujours la même langue, n’est pas si éloigné de nos héros habituels.
C’est là que commence le troisième niveau de lecture : la référence historique. En 1066, les troupes du duc de Normandie Guillaume le Conquérant achèvent la conquête de l’Angleterre. Ces conquérants venus du continent s’y établissent et injectent dans le vieil anglais des éléments de leur propre langue : les anglais, descendants en partie de ces normands et parlant une langue bâtarde, ne sont pas si éloignés de nous, fait que des siècles de conflits plus ou moins déclarés avec la Perfide Albion, ennemie héréditaire, avaient fini par occulter.
Mais en 1965, cette sourde rivalité n’est plus qu’un souvenir, certes encore vivace. Désormais, le statut d’ennemi héréditaire appartient à l’Allemagne. L’occupation nazie ne date que de vingt ans. Dans cet album, que l’on peut considérer de ce point de vue comme un clin d’œil, ou comme un hommage, les rôles tenus par la France et l’Angleterre durant la seconde guerre mondiale sont inversés : la Gaule et la Bretagne sont toutes deux confrontées à la cupidité de l’envahisseur romain, sorte de métaphore, la dimension idéologique en moins, de l’occupant nazi, mais c’est au tour de la Gaule, par le biais du petit village de fiers résistants, de venir en aide à la « résistance bretonne », en leur faisant parvenir en secret de la potion magique, arme décisive contre les légions romaines.
Dans cet album, Goscinny nous démontre que désormais, au delà des vieilles inimitiés et des différences culturelles, la Gaule et la Bretagne, et par extension la France et la Bretagne sont alliées, face à un ennemi commun.
48 pages - 9,90€
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