Le 26 novembre 2017
Un premier film contemplatif, tout en retenue, qui ne s’adresse pas aux spectateurs pressés mais prend le pari d’une savante lenteur.
- Réalisateur : Emiliano Torres
- Acteurs : Alejandro Sieveking, Cristian Salguero
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Argentin
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Editeur vidéo : Tamasa
- Durée : 1h35mn
- Titre original : El Invierno
- Date de sortie : 28 juin 2017
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– Sortie DVD : le 7 novembre 2017
Résumé : Après avoir travaillé toute sa vie dans un ranch isolé en Patagonie, le vieil Evans est remercié et remplacé par Jara, un homme plus jeune qui veut s’installer avec femme et enfant. Mais quand l’hiver arrive, la région est bloquée par la neige. Il n’est plus seulement question de travailler mais aussi de survivre dans des conditions extrêmes. Désespéré et seul, Evans essaie d’effrayer Jara pour le faire partir. La confrontation est inévitable, quand l’un essaie de revenir, l’autre veut rester. Dans les somptueux et énigmatiques paysages de Patagonie, le film raconte la solitude, la rudesse du travail et la difficulté de laisser sa place.
Notre avis : La Patagonie, donc, avec ses paysages somptueux et inhospitaliers, ses montagnes, ses moutons et au milieu un petit ranch tenu par le vieil Evans qui, à la manière du héros de Shining, joue les gardiens pendant le long hiver. L’événement dans sa vie est constitué par l’arrivée des tondeurs, groupe duquel il s’isole, même si il observe l’un d’entre eux, Jara, peut-être parce qu’il lui ressemble. Comme lui, le jeune homme taciturne ne se mêle pas aux autres, sauf pour empêcher une bagarre. Comme lui, on le saura par la suite, il cache une famille, mais pour des raisons différentes. Comme lui, il vit replié sur son travail. Et bien sûr, Jara va remplacer Evans devenu trop vieux. S’ouvre alors la deuxième partie qui voit le jeune répéter les gestes du vieux, enfermé dans une solitude monotone, depuis le repas des chiens jusqu’à la surveillance des moutons.
- Copyright Tamasa Distribution
Si Emiliano Torres adopte un rythme lent, c’est qu’il s’accorde à la fois à la vie des personnages et à la nature immuable et hostile, ou au moins d’une superbe indifférence ; il aime les plans larges qui écrasent l’humain, ou les lents travellings. De même, pour mieux symboliser l’absence de communication, filme-t-il à plusieurs reprises à travers des fenêtres. Mais la figure principale de Patagonia, c’est la répétition : répétition des gestes (nourrir les chiens, parcourir les plaines), des situations (licenciement, coups de feu en l’air), avec ou sans variantes, qui dessinent une vie cyclique indépendante des hommes. À l’intérieur de ce système clos, le cinéaste excelle à installer des signes et des gradations : ainsi la discussion sur l’âge du chien précède-t-elle licenciement d’Evans ; ainsi la menace qui pèse sur Jara devenu gardien monte-t-elle progressivement. C’est peut-être cette modestie, cet art de la miniature a-t-on envie de dire, qui fait le prix du film. Torres y développe un sens aigu de l’image, mais aussi du rythme : rien de gratuit dans cette accumulation de menus détails, au contraire la précision des gestes, le choix des objets, installent une atmosphère dense et pesante.
- Copyright Tamasa Distribution
Le sujet de Patagonia n’est pas social : rien ou si peu sur l’aliénation du travail, rien ou si peu sur l’inhumanité d’un système qui broie les hommes. Il ne repose pas non plus sur l’affrontement entre les deux héros, plutôt expédié. Ce qui intéresse le cinéaste, c’est, au-delà du destin de ces deux personnages qui ne sont que les deux faces d’une même médaille, une réflexion diffuse sur la difficulté de vivre et les décors grandioses mais impressionnants ne sont que la matérialisation de cette dureté. Dans les deux parcours résonne une sourde détresse, une peur qu’on ne montre jamais, que ce soit par pudeur ou par éducation. Leurs visages sont comme des masques et si celui d’Evans se fend d’un très léger sourire, c’est au moment où il va succomber. Car au fond le masque est fait pour cacher des souffrances, des angoisses qui ne peuvent se dire.
- Copyright Tamasa Distribution
Ce premier long-métrage n’est pas très sympathique, à l’image de ses héros : austère, doté d’une musique rare et peu chantante, lent, centré sur la contemplation plutôt que l’action, il distille portant un charme puissant à qui prend le temps de partager ce voyage sans concessions. En retirant tout ce que le sujet pouvait porter de pathétique, voire de larmoyant, Torres dépasse la simple anecdote pittoresque pour se hisser vers des sommets où l’oxygène se fait rare.
- Copyright Tamasa Distribution
Les suppléments :
Il y a bien une bande-annonce et un making-of assez aride (5mn30), mais le bonus essentiel : c’est le livret de 16 pages constitué principalement par un entretien avec le réalisateur qui éclaire et analyse son film avec précision.
L’image :
Si la colorimétrie est satisfaisante, comme les contrastes, la copie présente un léger déficit de précision. Rien qui entache la beauté des images, heureusement.
Le son :
Une seule piste proposée, en VO Dolby Digital 2.0, mais il est vrai que le son n’a rien de spectaculaire : on ne perdra rien des quelques dialogues, rien du vent ou des bruits du quotidien.
Galerie Photos
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