Le 14 juin 2018
Un film choc, passionnant, et intense, porté d’un bout à l’autre des deux heures trente par un acteur incroyable qui transforme une idylle familiale en un cauchemar haletant et passionnant.
- Réalisateur : Constantin Popescu
- Acteurs : Bogdan Dumitrache, Lulia Lumanare
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Roumain
- Distributeur : New Story
- Durée : 2h32mn
- Titre original : Paroroca
- Date de sortie : 13 juin 2018
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– Festival de San Sebastian 2017
Résumé : Cristina et Tudor Ionescu forment une famille heureuse avec leurs deux enfants, Maria (5 ans et demi) et Ilie (sept ans). Ils ont la trentaine, vivent dans une ville roumaine, dans un joli appartement. Il travaille dans une entreprise de téléphonie, elle est comptable. Un dimanche matin, alors que Tudor se trouve avec les enfants au parc, Maria disparaît.
Notre avis : C’est une famille ordinaire. Presque parfaite. Ses membres vivent dans un appartement cossu, pourvu d’une très belle terrasse où le couple se plaît à recevoir des amis. Elle est comptable, lui est dans la téléphonie. Ils ont deux enfants, Maria et Illie. Ils sont prêts à vivre une existence idyllique, comme Tudor le suggère à sa femme, jusqu’au jour où il va promener leurs enfants dans un parc proche, qui signera la disparition de Maria.
Cette longue séquence de la disparition qui démarre quasiment le film, fera sans doute date dans l’histoire du cinéma. La caméra est assez loin de la scène, elle scrute un banc d’où Tudor surveille à la fois ses deux progénitures et s’occupe de régler des affaires au téléphone. Une autre vie s’agite autour du héros. On y entend des personnes se disputer violemment à la limite du ridicule, des mères se préoccuper de leurs petits, tout cela dans une série de hors-champs absolument fabuleux où les personnages sont d’un naturalisme bluffant, sans jamais s’arrêter vraiment sur l’écran, voire même apparaître. La scène paraît longue, et miraculeusement, sans jamais forcer la démonstration, le réalisateur parvient à créer une tension dramaturgique qui ne quittera plus le film jusqu’au générique de fin. L’on sait que le drame va arriver. On l’attend presque. Mais les dialogues, les cris des enfants qui jouent, rallongent le temps, le suspendent presque, et l’évènement de la disparition survient de façon quasi inopinée et invisible, plongeant le spectateur dans un état de sidération totale.
Le qualificatif principal qui ressort de Pororoca demeure la tension. On pourrait reprocher au film des longueurs. En réalité, la tension qui s’accroît au fur et à mesure que la narration avance, est générée par la pesanteur du temps qui se déroule sous les yeux du spectateur. Le parti pris de ces deux heures trente est indispensable à la mise en scène qui fait montre d’une parfaite maîtrise, et surtout d’un attachement quasi obsessionnel à l’épouvante du quotidien. On pense au sublime Shining de Stanley Kubrick dans la façon dont Constantin Popescu met en scène le vacillement progressif de son héros du désespoir à la folie. L’égarement de Tudor s’accompagne de l’usage des choses ordinaires qui composent la vie de tous les jours. Le réalisateur choisit en grande partie des intérieurs pour raconter ce terrifiant parcours d’un homme, dévasté par la disparition de sa fille. On pleure très peu. Pour autant, le désespoir est perceptible à chaque instant dans ces objets du quotidien qui traversent la vie ordinaire de cette famille. Le réalisateur en rajoute même, non sans cruauté, en augmentant les bruitages. On saluera d’ailleurs le travail des ingénieurs du son qui parviennent à reconstituer à partir des éléments du quotidien la faillite de toute une famille.
On ne peut pas ignorer la prestation gigantesque de Bodgan Dumitrache dans ce rôle de jeune père de famille au bord de l’anéantissement. Le comédien ne force jamais le trait. Il procède par petites touches, souvent imperceptibles, qui, doucement mais sûrement, mettent en valeur l’incroyable décomposition qui s’empare du personnage. Malgré soi, le spectateur se rend soudain compte que le cheveu a blanchi à un endroit de la tête, que les yeux sont enfoncés dans un monceau de cernes, que le corps a maigri, voire même que l’homme a vieilli. Pour de nouveau faire référence à Kubrick, le processus de défiguration qui accompagne le personnage n’est pas sans rappeler le fameux Jack Torrance. Sauf que Tudor n’écrit pas : il aime sa fille et sa femme ; l’inimaginable qui traverse sa vie l’anéantit complètement, à la façon de ces vagues gigantesques du Brésil, les Parorocas, qui submergent des vies entières sur les bords de l’Amazone.
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