L’étoffe d’un anti-héros
Le 29 août 2016
Sur le ton d’une chronique intimiste et sportive, ce biopic décalé est une critique féroce du culte de la compétition et du dépassement de soi.


- Réalisateur : Juho Kuosmanen
- Acteurs : Jarkko Lahti, Oona Airola, Eero Milonoff
- Genre : Comédie dramatique, Biopic, Noir et blanc
- Nationalité : Finlandais
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h32mn
- Titre original : Hymyilevä Mies
- Date de sortie : 19 octobre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016

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– Festival de Cannes 2016 : Prix Un Certain Regard
Résumé : Été 1962, Olli Mäki prétend au titre de champion du monde poids plume de boxe. De la campagne finlandaise aux lumières d’Helsinki, on lui prédit un avenir radieux. Pour cela, il ne lui reste plus qu’à perdre du poids et à se concentrer. Mais il y a un problème : Olli est tombé amoureux de Raija.
Notre avis : Inspiré d’une histoire vraie, il s’agit du premier long métrage d’un cinéaste primé il y a six ans à la Cinéfondation pour The Painting Sellers. Le mérite de Juho Kuosmanen est de traiter sur un mode léger un sujet grave, axé sur l’impuissance combative d’un sportif de haut niveau, qui traverse une grave crise existentielle à un moment décisif de sa vie professionnelle. On songe à l’humour pince-sans-rire de certains Kaurismäki ou à la légèreté du cinéma tchécoslovaque des années 1960, celui de Milos Forman ou Jiri Menzel, auquel fait également penser un beau noir et blanc (signé Jani-Petteri Passi). Des entraînements foireux aux séquences intimistes, tout montre qu’Olli est déconnecté de son futur combat et s’avère être l’anti-héros par excellence. Même pour le spectateur ignorant tout de Mäki (encore très connu aujourd’hui en Finlande), aucun suspense narratif n’a lieu et le désastre sportif est pressenti.
- Copyright Sami Kuokkanen
L’essentiel pour le réalisateur est alors de s’attacher au « comment » d’un fiasco annoncé par des petits riens (les commentaires du coach, l’attitude devant les journalistes de la télévision), révélateurs du gouffre dans lequel s’enfonce son personnage. « Quand j’ai commencé à creuser davantage l’histoire d’Olli, j’ai réalisé qu’elle était pleine de détails magnifiques et de complexité, ce qui la faisait sortir de l’ordinaire et la rendait unique. L’art est dans les détails, dit-on. Assez vite, j’ai compris que l’histoire d’Olli ne parlait pas seulement de perdre un combat et de gagner l’amour. En fait, il ne s’agissait ni de gagner ni de perdre, mais de trouver son propre chemin vers le bonheur indépendamment des attentes extérieures », a déclaré le réalisateur.
- Copyright Sami Kuokkanen
On comprend alors qu’Olli Mäki, avec lequel le cinéaste s’est entretenu avant le tournage, suscite sa sympathie, voire une forme d’admiration. Mais au-delà de cette connivence, le film se veut aussi une critique féroce du culte de la compétition et du dépassement de soi : « Il est toujours bon d’arrêter de penser que ce qui compte, c’est le but final. Nous sommes entourés de publicités glorifiant le succès, mais on devrait d’abord savoir de quoi on parle », précise-t-il encore. Il en ressort une œuvre sans doute mineure mais dont la sincérité et la modestie même font le charme, loin de tout nombrilisme ou tape-à-l’œil.