Le 13 juillet 2024
Nouvel ordre secoue tout en évitant les facilités que son postulat de départ laisse supposer.
- Réalisateur : Michel Franco
- Acteurs : Dario Yazbek Bernal , Gustavo Sánchez Parra, Monica Del Carmen, Diego Boneta, Lisa Owen, Eligio Meléndez, Sonia Couoh, Fernando Cuautle, Naian González Norvind
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français, Mexicain
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h28mn
- Titre original : Nuevo orden
- Date de sortie : 22 septembre 2022
- Festival : NIFFF 2024
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Résumé : Lors d’un mariage de bonne famille, des manifestants font irruption et pillent les invités dans un déferlement de violence. Dehors, le chaos s’empare du pays. Un nouvel ordre est en marche.
- © NIFFF 2024
Critique : Les images rivalisent de douceur. La photo, signée Yves Cape, séduit et caresse les yeux à la manière d’une plume. Mais les beaux contrastes et les couleurs vives n’annoncent rien d’autre que l’odeur du souffre. L’union célébrée en introduction semble être à la gloire de la famille, plutôt qu’à celle des mariés. Il ressort des postures altières, des sourires complaisants et des mondanités une impression fausse, trop propre, qu’un peu de peinture viendrait colorer et révéler. La douceur, rapidement écornée et troublée par les invités surprise, s’estompe, et Nouvel ordre se transforme en thriller intense, qui prend ses personnages en étau, le public avec.
- Copyright Ascot Elite Entertainment
La lecture politique du film est moins aisée que celle d’un simple renversement des pouvoirs, d’une prise par les moins possédants des attributs de ceux qui le sont. C’est le point de départ, bien sûr, et la raison d’agir des manifestants qui, non résignés à mendier comme le fait un ancien employé de la maison des Novelo, violentent les riches et pillent leurs propriétés. Montrer les moins puissants comme des bêtes sanguinaires et sans vergogne pour la plupart – ils tuent sans nécessité - peut sembler malhabile. Franco affirme ce faisant qu’ils n’ont plus d’autres ressorts, mais laisse la porte ouverte à d’autres interprétations qui prendront la forme des convictions politiques des observateurs, sans imposer la sienne.
Pour son cinquième film, le réalisateur choisit de renverser la table et la société avec, donnant à voir le cœur d’une révolution qui commencerait par la reprise de la richesse par les plus pauvres, et surtout la prise de pouvoir par les forces de l’ordre, qui deviennent dans notre cas les gardiens de leur ordre. Il prétend créer et montrer le chaos. Pourtant, au milieu de ce bordel organisé, Franco démontre la facilité avec laquelle l’État peut perdre le contrôle, et comme l’armée, détachée de l’intérêt général, peut le reprendre. Car les forces qui sont censées promouvoir l’ordre disposent ici de tout le matériel et l’organisation pour cadenasser les villes, leurs habitants, et s’en servir pour se servir. Porteurs d’une violence qui exclut les âmes sensibles, les militaires de Nouvel ordre ciblent les riches car c’est à eux qu’est l’argent, mais oppressent ceux qui n’en ont pas non plus, dans une sorte d’hégémonie incontestable et incontrôlable.
- Copyright Ascot Elite Entertainment
Dans la rétrospective Eat the Rich du NIFFF 2024, Nouvel ordre fait de l’excès de zèle à vouloir bouffer tout le monde. Bien sûr, Franco pourrait bien avoir un autre tour dans son sac, avoir caché des niveaux de lecture indécelables au premier coup d’œil. Mais le point commun à toutes les sensibilités, c’est l’absence de jugement, ce qui autorise tout le monde, a priori, à prendre plaisir à cette démonstration de tension, toujours sévère avec ses personnages.
Au milieu du festin morbide, Marianne, réceptacle de notre empathie car richissime au grand cœur (elle donne tout pour sauver la mère de son ancien employé), s’enfonce dans l’horreur. Son sort se trouve à la merci du bon vouloir de tortionnaires qui, entre violences sexuelles et psychologiques, se satisferont peut-être de la rançon reçue pour elle. Nalan Norvind, avec son regard affolé, est parfaite. Elle prouve que chez Franco, les bons et les mauvais ont à peu près les mêmes chances de souffrir : beaucoup.
– Ce film est traité dans le cadre du NIFFF 2024 / rétrospective Eat the Rich
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