Le 28 mai 2016
Un documentaire nécessaire, mais pas toujours très habile.
- Réalisateur : Hubert Sauper
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Autrichien
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h47mn
- Titre original : We come as friends
- Date de sortie : 16 septembre 2015
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– Sortie DVD : le 3 mai 2016
– Prix du meilleur documentaire à Vienne, Prix spécial du jury Sundance 2014. 29ème prix de la paix 2014 à Berlin.
Un documentaire nécessaire, mais pas toujours très habile.
L’argument : Après Le cauchemar de Darwin, Hubert Sauper nous embarque dans une vertigineuse aventure au cœur du plus grand pays d’Afrique. Divisé en deux nations, le Soudan est devenu une proie de choix que se disputent avidement les plus grandes puissances : la Chine et les Etats-Unis. Et sous couvert d’amitié, les vieux démons du colonialisme et de la domination étrangère ressurgissent !
Notre avis : Dix ans après le scandale et le succès du Cauchemar de Darwin, Hubert Sauper revient avec un nouveau brûlot sur le pillage de l’Afrique et promène sa caméra dans le Soudan colonisé, au moment où un référendum partage le pays en deux. Partout il note l’exploitation des « locaux » par des nations qui s’accaparent les richesses du pays, essentiellement du pétrole : sa fascination s’exprime par de nombreux plans de soudanais « traditionnels », visages graves et muets. À l’inverse, les néo-colonisateurs sont uniformément méprisants : les Chinois vivent en vase clos dans une usine qui jouxte des villages-poubelles, des Texans allumés offrent des vêtements et une « Bible solaire » ; la palme revient sans doute (encore qu’elle soit très disputée) au démineur qui prend du bon temps et semble beaucoup s’amuser, tout en affirmant l’incapacité des Soudanais à l’imiter à cause de leurs « 200 ans de retard ». Ce qui frappe ici, c’est l’extraordinaire bonne conscience de ces personnes, persuadées de leur bon droit, voire de leurs intentions pures.
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Si l’on peut saluer l’objectif du film, cette nécessaire dénonciation du pillage d’un pays, on est constamment gêné par l’absence de nuances : certes, ces gens existent, et on ne doute pas de la réalité de ce scandale. Mais le choix opéré par Sauper de privilégier la caricature ou de souligner son propos par des symboles pas toujours légers (le plan qui unit l’image moderne au village souillé, la fête des employés de l’ONU opposée au passage furtif d’une femme de ménage, ou cette boite à musique qui joue l’Internationale confondue avec une berceuse) finit par se retourner contre le documentaire, d’autant que sa longueur entraîne des redondances lassantes. On a envie de temps en temps de dire qu’on a compris ...
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Répétons-le, malgré ces réserves, Nous venons en amis œuvre à une reconnaissance d’une vraie et ignoble situation : richesses accaparées, eau polluée, expropriations. On s’indigne devant cette injustice révoltante, magnifique réponse à notre bonne conscience ou nos dénégations. Oui, il y a bien exploitation et parfois dans un parfait cynisme. Oui, il est salutaire que de tels films nous le rappellent ou nous l’apprennent. Avec sa caméra portée, Sauper semble aller partout, obtenir de nombreux témoignages précieux d’un monde en danger. Il réussit même des séquences détonantes, comme ce discours occidental plein de religion à quelques mètres d’une danse tribale. De même, malgré leur manque de subtilité, certains portraits glacent le sang : l’Américaine fière d’enseigner la honte d’être nu, le démineur et ses vidéos souvenirs ou la réunion cynique des investisseurs restent des exemples particulièrement saisissants.
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Nous venons en amis fait partie de ces documentaires à la première personne, engagés et personnels ; Sauper ne rechigne ni à la belle image (ah ! Les couleurs de l’Afrique) ni au gros plan à la limite du voyeurisme (les femmes se jetant sur une tombe), mais il est souvent efficace. Les oppositions fortes entre deux mondes, les propos écœurants, la violence permanente sont des armes redoutables au service d’une juste cause. Oubliant nos réserves, on ne peut que souligner le caractère indispensable de ce film, même si on eût souhaiter un peu de nuances …
Les suppléments :
L’entretien avec Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS (21mn), est précieux en ce qu’il élargit la vision du film tout en en proposant un regard critique. Il y ajoute une dénonciation forte de l’ONU, aussi coûteuse qu’impuissante, comme de la productivité, et une réflexion très riche sur les ONG. Son savoir et sa lucidité tout en nuances rendent cet unique supplément passionnant.
L’image :
La copie respecte l’image avec ses limites dues aux conditions de tournage ou, plus rarement, aux sources utilisées : beauté des couleurs, précision générale satisfaisante.
Le son :
Les deux pistes vost (2.0 et 5.1) restituent avec beaucoup de présence aussi bien des paroles diverses et internationales que des ambiances très variées, de la vie tribale à l’usine aseptisée.
Galerie Photos
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