Chronique d’une famille singulière
Le 16 septembre 2018
Belle et langoureuse digression sur fond de filiation, Notre petite sœur confirme tout le talent de Kore-eda pour peindre la famille et le Japon.
- Réalisateur : Hirokazu Kore-eda
- Acteurs : Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Suzu Hirose, Kaho, Kirin Kiki
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h03mn
- Date télé : 25 janvier 2023 21:10
- Chaîne : France 4
- Titre original : Umimachi Diary
- Date de sortie : 28 octobre 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Trois sœurs, Sachi, Yoshino et Chika, vivent ensemble à Kamakura. Par devoir, elles se rendent à l’enterrement de leur père, qui les avait abandonnées une quinzaine d’années auparavant. Elles font alors la connaissance de leur demi-sœur, Suzu, âgée de 13 ans. D’un commun accord, les jeunes femmes décident d’accueillir l’orpheline dans la grande maison familiale…
- Copyright 2015 Akimi Yoshida, SHOGAKUKAN, FUJI TELEVISION NETWORK INC., SHOGAKUKAN INC., T
Critique : Marotte - pour ne pas dire marronnier - du cinéma japonais, la famille est de ces sujets inépuisables se réinventant au gré du temps. Si Ozu avait consacré une bonne partie de sa vie de réalisateur à filmer avec amour cet agrégat insondable, Kore-eda semble déterminé à emprunter une voie analogue pour en saisir à son tour le mystère. Deux ans après Tel père, tel fils, le cinéaste poursuit donc son exploration de la filiation, avec Notre petite sœur. L’occasion de s’interroger sur le rapport à la famille et par extension au monde.
Sans proposer un quelconque élément de réponse, Kore-eda semble vouloir rappeler inlassablement que l’existence, en dépit des moments partagés avec ses proches, ne se vit au fond qu’individuellement. Tout en composant un hymne à l’entraide et à ces valeurs qu’Ozu voyaient déjà perdues en 1953 avec Voyage à Tokyo, le réalisateur montre à travers notre rapport aux saveurs ou aux couleurs à quel point l’intercompréhension se révèle cornélienne. Sachi, Yoshino, Chika et la nouvelle arrivée, Suzu... chacune des quatre sœurs perçoit la beauté du monde par le biais d’éléments disparates a priori inconciliables. Reste cette force quasi métaphysique qu’est la famille pour permettre à l’ensemble de faire corps.
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Au départ, tout ou presque différencie Sachi, la sage, Yoshino, la fantaisiste et Chika, l’espiègle, de Suzu, douce et encore perméable au monde. Alors que ces dernières vivent à la ville dans un espace envahi par le béton, Suzu vient d’un monde perdu en pleine nature, quelque part au fond d’un bois. A la manière d’Ozu, Kore-eda cherche ici sans doute à opposer deux Japon, l’un ancestral plus centré vers la famille, l’autre plus moderne, urbain et tourné vers l’individu en tant qu’unité. Mais l’arrivée de Suzu au sein de la fratrie va remettre en question cette dualité, en permettant notamment au trio de retrouver chez elle un peu du père qu’elles n’ont plus côtoyé depuis quinze ans. Et à Suzu de retrouver une mère. Même si Kore-eda n’affirme à aucun moment que ces palliatifs remplacent l’absence, rien n’est plus cher à son sens que la famille.
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Véritable jeu de poupées gigognes, Notre petite sœur est un voyage où chacun ou presque des personnages va retrouver grâce à l’autre sa madeleine. Des moments mis en scène avec intensité et délicatesse, qui ne sont pas sans rappeler Le goût du saké ou Fleurs d’équinoxe. Quant à la lumière projetée au coin du feu sur le quatuor, elle sonne comme du Mizoguchi. Alors certes, on pourra allègrement reprocher à l’ensemble de pâtir d’un certain manque de rythme ou de véritables prises de risque. Il n’empêche : contrairement aux apparences, le film échappe à tout schématisme, le tout avec humour. Regard doux-amer sur le temps et la mort auquel n’aura pas été sensible le jury du 68e Festival de Cannes.
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