Le 14 octobre 2024
Produit, écrit et réalisé par Tawfik Alzaidi, Norah dénonce dans un langage cinématographique très apaisé les clivages entre les conservateurs de la tradition et les porteurs de modernité, sans tomber dans le débat polémique du fait religieux. Un joli film mais qui manque un peu de rythme.
- Réalisateur : Tawfik Alzaidi
- Acteurs : Yagoub Alfarhan, Maria Bahrawi, Aixa Kay
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Saoudien
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h34mn
- Date de sortie : 16 octobre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Un Certain Regard
– Cannes 2024 : Mention spéciale Un Certain Regard
Résumé : Arabie Saoudite, dans les années 1990. Le nouvel instituteur, Nader, arrive dans un village isolé. Il rencontre Norah, une jeune femme en quête de liberté. Leur relation secrète, nourrie par l’art et la beauté, va libérer les forces créatrices qui animent ces deux âmes sœurs… malgré le danger.
Critique : Le jeune cinéma du monde conquiert peu à peu les salles françaises grâce notamment à la publicité générée par le Festival de Cannes. Il faut dire que, globalement, la sélection d’Un Certain Regard en 2024 est très prolixe, avec l’émergence de de films courageux, militants et issus des quatre coins du monde. Norah s’inscrit dans cette veine novatrice, mettant en miroir deux univers : celui des gardiens de la tradition dans un village planté dans le désert saoudien et celui de la modernité à travers un instituteur venu apprendre aux enfants l’écriture et la lecture. Sauf que cet homme venu de la ville ne fait pas qu’enseigner : il dessine. Et c’est d’un dessin donné à un des élèves parce qu’il avait réussi tout son contrôle de connaissances que le drame se noue. En effet, Norah, la cousine de ce garçon, qui adore consulter sous le manteau les magazines où s’exposent de belles femmes découvertes, demande à son tour un dessin. Or, être dessiné, créer et consulter des œuvres d’art apparaît comme une entorse à la tradition, voire à la religion musulmane.
- Copyright Nour films
Norah est un film très dépouillé dans sa structure générale. Le récit est assez linéaire, voire classique, même si le jeune cinéaste s’engage sur un projet très courageux. Cette façon de filmer dans un esprit assez académique relève peut-être d’une volonté de sa part de ne pas attirer les foudres des autorités saoudiennes ou religieuses, tout en prenant le risque d’un sujet où l’émancipation de la femme demeure la ligne principale de son propos. Il est notable de préciser que seulement depuis 2018, les femmes sont autorisées à conduire et ne sont plus contraintes de porter l’abaya en public. Le récit se passe ici dans un village reculé, très éloigné du tourbillon des villes et sans doute de l’évolution législative et des mœurs. Le film n’est donc pas tant un plaidoyer sur la liberté qu’une revendication à ce que les communes modestes de l’Arabie Saoudite puissent aussi bénéficier des évolutions en matière économique, sociale et culturelle. Même l’accès à l’électricité est perçu par les anciens comme une chose sans importance, voire qu’il faut proscrire.
Norah met en exergue deux personnages. Il y a d’abord l’instituteur qui est aussi artiste. Derrière cet homme emblématique, c’est toute la dimension de l’arrivée du savoir dans les villages qui est posée. Il débarque dans une école avec dans ses mains un tableau, des crayons et des livres. Il ne faut surtout pas minorer l’impact de l’étendue des connaissances sur les populations rurales qui ont une chance de se réaliser dans un autre projet que celui de cultivateur, d’autant qu’il n’y a pas de place pour tout le monde dans la mesure où l’eau manque gravement. Il y a ensuite la jeune femme Norah. Bien que le film porte son nom, elle n’est pas l’héroïne principale du récit. Elle est la solution par laquelle le savoir, l’art vont pouvoir être démocratisés dans un pays, très riche, mais qui ignore sans doute ses populations nomades.
- Copyright Nour films
Tawfik Alzaidi écarte toute forme de misérabilisme dans sa manière d’appréhender la vie quotidienne des gens du village. On mange à sa faim, de l’eau est disponible dans une grande citerne au centre du village et les intérieurs des maisons, certes modestes, offrent un minimum de confort. Ainsi, son projet permet de mieux se centrer sur l’accès au savoir et à la culture pour les populations isolées, et moins la dimension socio-économique de leur existence. On s’interroge en quelque sorte sur la position du réalisateur sur l’économie de son pays, d’autant que la fin présage une possibilité offerte à chacun d’accéder à la ville, au progrès et à la consommation.
Norah demeure une œuvre courageuse à certains égards mais qui demeure relativement timide. Il faut dire qu’il s’agit d’une premier film et que le combat pour le réalisateur de produire, financer et réaliser un long-métrage qui traite d’un tel sujet a dû être rude. La lumière donnée sur son travail par le Festival de Cannes devrait l’aider à déployer d’autres projets. En effet, il y a incontestablement chez ce jeune réalisateur une manière de regarder le réel qui annonce le meilleur pour demain.
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