Le 7 octobre 2024
Mettre en scène le destin passionnant de Niki de Saint Phalle sur près de dix ans de sa vie est une expérience extraordinaire de cinéma. Le premier film de Céline Sallette ne résiste pas toujours à des maladresses scénaristiques.
- Réalisateur : Céline Sallette
- Acteurs : Judith Chemla, John Robinson, Virgile Bramly, Charlotte Le Bon, Xavier de Guillebon, Quentin Dolmaire, Damien Bonnard, Grégoire Monsaingeon, Thomas Silberstein
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 9 octobre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Un Certain Regard
Résumé : Paris, 1952. Niki s’est installée en France avec son mari et sa fille loin d’une Amérique et d’une famille étouffantes. Mais malgré la distance, Niki se voit régulièrement ébranlée par des réminiscences de son enfance qui envahissent ses pensées. Depuis l’enfer qu’elle va découvrir, Niki trouvera dans l’art une arme pour se libérer.
Critique : Personne ne peut contester aujourd’hui l’importance et le talent de Niki de Saint Phalle. Pourtant, avant de gagner la reconnaissance, elle a dû lutter comme nombre d’artistes contre les préjugés et surtout ses propres démons. C’est ce que propose Céline Sallette pour son premier long-métrage en explorant dix années de la vie de la peintre. Manifestement, l’art est un exutoire à une enfance difficile, ce qui n’empêche pas de l’amener régulièrement dans les cliniques psychiatriques. D’ailleurs, on apprend que c’est à l’occasion de sa première hospitalisation, dans la mesure où la jeune femme était privée de moyens pour s’exprimer, qu’elle a commencé à transformer la matière, à ramasser des objets ou des éléments naturels pour penser son art. Le psychiatre qui l’a reçue a eu l’idée de génie de lui autoriser que colle et peintures lui soient apportées.
- Copyright Wild Bunch
Niki est un premier long métrage en tant que réalisatrice de Céline Sallette. S’intéresser à un pareil personnage, aussi fragile, n’est pas neutre. Le récit, parfois excessif dans les explosions de larmes et de cris, raconte peut-être un effet miroir entre le vécu de cette artiste et celui de la réalisatrice. Force est de constater que la cinéaste met tout son cœur et toute son âme pour faire vivre cette artiste en cours de fabrique. L’art se sécrète dans les mains d’une jeune femme abimée par la vie, les épreuves de l’enfance et le manque. En ce sens, le film montre très bien la manière dont la création artistique peut être à la fois objet de résilience et de destruction. On pense au superbe Camille Claudel de Bruno Nuytten qui faisait les mêmes constats du point de vue cette fois d’une relation nocive entre le grand Rodin et la sculptrice. L’héroïne se perd dans des relations torturées avec des hommes, à l’exception de son époux avec lequel elle aura deux enfants, et qui supporte au mieux ses effusions de cris au seul motif de l’encourager à créer.
Céline Sallette s’entoure d’acteurs semble-t-il très attachés au projet. Charlotte Le Bon interprète Niki avec beaucoup de conviction et d’empathie pour son personnage. Elle est absolument magnifique et rayonne sur l’écran pendant plus d’une heure trente. Toutefois, ses crises, l’urgence et la rage qu’elle met à créer sont assez excessives, même si l’on sait que c’est un choix délibéré de la réalisatrice. La comédienne en fait beaucoup et on a du mal à penser que la composition d’une œuvre passe uniquement par des formes d’état second, à la limite de l’ivresse. L’œuvre sculpturale de Niki de Saint Phalle n’est pas que de la douleur à l’état brut. Au contraire. Le parti pris de Céline Sallette sur la mise en perspective de son abîme intérieur et de ses productions demeure assez discutable, sur le fond et la forme. D’ailleurs, on ne voit aucune des œuvres, l’intérêt de la réalisatrice étant de se centrer sur l’acte de création plutôt que son aboutissement. Par exemple, quand on s’introduit dans les ateliers, tous les tableaux sont retournés, et on présume les œuvres visées par le scénario sans certitude. Véritablement, la présence de reproduction des œuvres de la même époque aurait élevé le récit dans une dimension supérieure.
- Copyright Wild Bunch
Niki est un film ambitieux et généreux dans les intentions. On pressent que la réalisatrice a mis toute son énergie pour créer ce personnage et peut-être même trop de sa personne, créant une sorte de tourbillon de création un peu trop vif. Le long-métrage arrive au bon moment dans la mesure où, partout, on dénonce les abus sexuels et de pouvoir qui gangrènent le cinéma par exemple. Niki de Saint Phalle apparaît comme une icône de la résilience par la création artistique. Il y a tout de même une certaine tendance à la sur-victimisation de la créatrice qui, sans contestation, a vécu dix années douloureuses avant de rencontrer la reconnaissance et le succès.
On quitte ce film avec le sentiment double qu’il s’agit d’un galop d’essai intéressant mais qu’il y a encore du progrès à accomplir pour parvenir à un long-métrage plus abouti. Toutefois, Céline Sallette s’en sort avec beaucoup de brio, grâce à des interprètes très investis et un sujet éminemment passionnant.
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