Critique : Xavier-Marie Bonnot aime à explorer des pistes rarement empruntées, à mêler présent et passé dans des romans policiers plus d’une fois récompensés. Cette fois, il abandonne ce genre qu’il affectionne mais continue son voyage au-delà des mers et des années. Il prend le pouls de l’Égypte, mêle amour, traditions, archéologie et révolution dans un roman nimbé d’un certain mystère et d’une aura diablement poétique.
Rodolphe est archéologue, spécialiste de l’Égypte qu’il chérit depuis des années. Il parle arabe, se fond dans le peuple, possède même une maison à Louxor, presque voisine des demeures de Ramsès III et des autres. La rive des morts est également la rive des riches. C’est là où habitent Noah et son père. Elle aussi aspire à découvrir une tombe inviolée, à rendre presque tangible l’Égypte antique. Plus encore que les rois et les reines, ce sont les artisans et les gens du peuple qu’elle veut faire sortir de l’ombre, dont elle veut tout savoir, tout connaître.
L’auteur parvient avec brio à mêler histoire antique et contemporaine. Isis, Osiris, Nephtys côtoient Moncef, Miloud, Mustafa, Shahhat, Amina et les autres dans ces pages. Pharaons, culte du soleil, et islamisme se mélangent, prennent vie – Noah et Rodolphe au centre, le peuple gravitant autour d’eux. L’auteur dit une époque, il dit une Égypte mais aussi une autre, et encore une autre : l’Égypte de l’Antiquité, d’avant la révolution puis celle où le chaos menace. Toujours avec une pointe d’admiration pour ce pays légendaire, Xavier-Marie Bonnot parvient à transmettre un contexte sans que jamais celui-ci ne dépasse sa fiction. Ce sont ses personnages avant tout, le peuple qu’il raconte, les rois et les reines qu’il évoque, les vies qui se croisent, les mythes et les rêves qu’il déploie. Louxor est la capitale de son roman – alors bien sûr, Le Caire et les manifestations de la place Al-Tahrir grondent, font trembler les bases des pyramides et des tombeaux, le tourisme qui permet à la ville de survivre, mais c’est bien une fiction que choisit d’écrire l’auteur, avec quelques inflexions bien réelles – et quelques parallèles qui créent des ponts entre Égypte et France.
L’équilibre est parfait, le style, presque irréprochable. Le rêve de Néfertari et des autres (parce que, c’est bien connu, « on rêve au singulier », comme le rappelle Moncef) enveloppe le roman et lui confère une dimension étonnante.