Sans famille
Le 24 novembre 2014
La réalisatrice et scénariste Zhanna Issabayeva dépeint le drame de l’abandon, aggravé à travers son personnage par la pauvreté et l’extrême solitude.
- Réalisateur : Zhanna Issabayeva
- Acteurs : Galina Pyanova, Dina Tukubayeva, Aidar Mukhametzhanov
- Genre : Drame
- Nationalité : Kazakh
- Durée : 1h17mn
- Date de sortie : 26 novembre 2014
- Festival : Festival du Film Asiatique de Deauville 2014
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La cinéaste kazakhe Zhanna Issabayeva évoque le cruel destin d’une jeune fille orpheline dont le fragile équilibre mental vole en éclats à la mort de sa meilleure amie.
L’argument : Nagima est une jeune femme disgracieuse, illettrée et peu diserte qui a été abandonnée à la naissance et placée dans un orphelinat. Elle partage dorénavant un petit studio dans les environs de la ville d’Almaty avec son amie Anya rencontrée à l’orphelinat et qui est enceinte. Mais Anya meurt lors de l’accouchement et le nouveau-né - une fille - se retrouve à son tour placé dans un orphelinat. Afin d’arrêter ce cercle vicieux, Nagima décide de l’adopter...
Notre avis : L’existence de Nagima a mal commencé : sa mère l’a abandonnée afin de refaire sa vie avec un autre homme que son père, qu’elle ne connaîtra jamais. Elevée dans un orphelinat qui ne s’est guère chargé de son éducation, elle ne peut prétendre qu’à des emplois précaires et très peu rémunérés qui ne lui permettent pas de vivre décemment. Ayant des difficultés à payer son loyer et ses courses, elle multiplie les petits crédits auprès des commerçants, notamment d’un petit vendeur qu’elle attendrit et qui est le seul homme de son entourage à lui parler correctement et qui a un semblant de respect pour elle.
Illettrée, d’une timidité maladive et psychologiquement fragile, elle ne peut compter que sur sa voisine, une prostituée énergique et haute en couleur, et sur sa colocataire Anya, qui vit une grossesse difficile après que son compagnon l’ait abandonnée. Incapable de subvenir à ses besoins, Anya ne peut pas non plus se faire soigner et s’assurer que son bébé se porte bien.
{{© Deauville Asia}}A travers le portrait de cette future mère désespérée et affaiblie, la réalisatrice évoque le drame de la pauvreté, qui touche une vaste partie de la population kazakhe, contrainte de se terrer dans des logements insalubres au confort forcément spartiate.
En contant l’histoire de ces deux orphelines seules au monde, qui ont difficilement atteint l’âge adulte, Zhanna Issabayeva montre que ces enfants abandonnés sont laissés de côté par le gouvernement et le reste de la population, qui les considère comme des rebuts de la société, lorsqu’il ne s’agit pas de les assigner à des tâches ingrates dont les autres ne veulent pas se charger. Le cercle vicieux se referme alors forcément sur Nagima et sur ceux qu’elle considère comme sa "famille" (en a-t-elle seulement une autre ?).
{{© Deauville Asia}}Se découpant en trois parties, le film démontre que l’abandon de ses parents a marqué à tout jamais le destin de la jeune fille. La première partie expose ses conditions de vie, alors que la seconde se déroule après le décès en couches d’Anya. Pauvre mais aussi enfant d’immigrés, la jeune femme ne survit pas à un accouchement difficile dans une clinique qui ne voulait pas l’accueillir ; à peine eut-elle le luxe d’être traitée avec humanité par un médecin, alors qu’une infirmière refusait de s’occuper d’elle. Ce décès marque une nouvelle étape dans la vie de Nagima : ne supportant pas l’extrême solitude dans laquelle la disparition d’Anya la plonge, elle se décide à partir sur les routes afin de rencontrer sa mère biologique, dont on lui a révélée le nom à son départ de l’orphelinat.
{{© Deauville Asia}}Toute la fragilité de Nagima se révèle alors, ainsi que la profonde plaie que l’abandon de sa mère a laissée. Ayant été abandonnée et n’ayant pas eu la chance d’être adoptée par la suite, Nagima ne supporte plus l’indifférence qui l’entoure et recherche désespérément un semblant d’affection. Afin de combler le manque qu’Anya a laissé, Nagima est à la recherche d’une personne qui pourrait l’aimer. Mais sa rencontre avec sa mère biologique ne se passe pas comme elle l’espérait. Se posant déjà des questions sur sa naissance, la froideur avec laquelle sa génitrice l’accueille est un nouveau traumatisme pour cette jeune fille perturbée qui ne sait plus vers qui se tourner. Espérant que sa mère serait heureuse de la revoir, Nagima est si cruellement déçue que ce refus ouvre une brèche dans son cœur et dans son esprit, étant le déclencheur de futurs évènements dramatiques...
{{© Deauville Asia}}Afin de casser un cycle qui conduit immanquablement chacun de ses proches à la solitude et à l’abandon, Nagima décide dans la troisième partie du film d’adopter la petite fille d’Anya. Le cercle vicieux qui régit son existence se referme alors sur elle, car elle ne remplit pas les conditions nécessaires pour accueillir un enfant : pauvre, illettrée et célibataire, Nagima comprend rapidement que le bébé de son amie est promise au même destin solitaire qu’elle. Ce constat la plonge dans une profonde dépression, qui la conduit à prendre des décisions radicales. C’est tout ce processus qui entraîne le film vers son dénouement, d’une intense tristesse mais finalement peu surprenant.
{{© Deauville Asia}}Film profond et d’une grande sensibilité sur l’abandon, la solitude et ses dramatiques conséquences, Nagima ne cherche pas pour autant à jeter la pierre à certains mais plutôt à entraîner une réflexion sur la place à accorder à ces orphelins dans une société qui ne leur offre pas les mêmes privilèges qu’à ceux qui ont grandi au sein d’une famille. Zhanna Issabayeva pose la question de leur avenir et de leur quête d’identité : véritable cri du cœur de cette cinéaste dont c’est le quatrième long-métrage, ce drame poignant, montre que sur des questions de société fondamentales, il faut savoir réfléchir et réagir. Rapidement.
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