La isla bonita
Le 26 avril 2007
Amour de l’île et envie de fuir dans un étonnant petit film, concentré du dilemne des Cubains d’aujourd’hui.


- Réalisateur : Juan Carlos Cremata Malberti
- Genre : Drame
- Nationalité : Cubain

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– Durée : 1h 33mn
Amour de l’île et envie de fuir dans un étonnant petit film, concentré du dilemne des Cubains d’aujourd’hui.
L’argument : Carla traîne son ennui dans une Havane en noir et blanc, entre le bureau de poste où elle travaille et son appartement où l’attendent régulièrement les cartes postales miroitantes de ses parents émigrés à Miami. Sa mère l’inscrit à la loterie annuelle dont le tirage désigne l’heureux Cubain qui recevra sa carte verte hors des circuits administratifs... Encore une largesse de l’Oncle Sam ! Mais Carla se pique à un autre jeu, celui des relations humaines. Et elle se met à réécrire les vies d’inconnus dont les bribes d’histoires et de drames lui parviennent par le courrier qu’elle subtilise dans son bureau.
Notre avis : Carla pourrait passer pour la petite cousine tropicale d’Amélie Poulain, à faire le bonheur des gens malgré eux. Mais ce serait réduire à bien peu de choses cet étonnant petit film. Carla, comme chaque Cubain, se débat entre l’amour de son île et l’envie de fuir, le ras-le-bol quotidien et la dérision, la lassitude et la peur de l’inconnu. On pense à Liste d’attente, de Juan Carlos Tabio, dans ce fantasme de bonheur national qui n’est sans doute pas si loin d’un idéal révolutionnaire auquel il est dur de cesser de croire. Dans l’attente résignée de ce départ, Carla, par jeu, par ennui, par défi aussi, se prend au piège de l’empathie et se trouve une raison d’exister.
Toute l’originalité de Juan Carlos Cremata tient dans le traitement des images. Il y a du Tati dans cette agitation de scènes tournées en accéléré, dans les bruitages qui remplacent souvent les dialogues. Mais c’est aussi un film BD, fait de personnages très caricaturaux, d’onomatopées, et les lignes très épurées des décors comme le damier du carrelage de Carla qui symbolise ce noir et blanc très contrasté. Et puis de temps à autre, la couleur explose. Une tache, peinte à même la pellicule, un graffiti, un soleil...
Cremata se joue de l’image et du spectateur, accélère la cadence, outre les mimiques, fait de ses acteurs des personnages de cartoons. Il n’oublie pourtant jamais la gravité de son propos, concentrée dans quelques scènes qui laissent apparaître les déchirures, comme celle où Carla se fige devant le cachet de la douane qui accuse : "Sortie définitive". Tout le cinéma cubain raconte finalement la même histoire, celle d’un amour indissoluble pour un pays impossible à vivre. Nada más. Rien de plus.