Le 24 juin 2023
Costa-Gavras réussit dans ce film américain à conserver son intégrité, au service d’un suspense efficace.
- Réalisateur : Costa-Gavras
- Acteurs : Jessica Lange, Lukas Haas, Frederic Forrest, Michael Rooker, Armin Mueller-Stahl, Mari Töröcsik, Donald Moffat
- Genre : Drame, Film de procès
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Columbia Tristar Motion Picture Group
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 7 juin 2024 21:08
- Chaîne : France 5
- Date de sortie : 28 février 1990
- Festival : Festival de Berlin 1990
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Résumé : Ann Talbot, brillante avocate de Chicago, est amenée à défendre son père, poursuivi pour crimes de guerre. Michael Laszlo a fui la Hongrie à la fin de la Seconde Guerre mondiale et s’est réfugié aux États-Unis. Après quarante-cinq ans de vie paisible et honnête, il est convoqué par le bureau des enquêtes spéciales. Des preuves accablantes ont été réunies contre lui et de nombreux témoins auraient reconnu en lui un tortionnaire nazi. Pour Ann, il s’agit de démonter un traquenard politique, mais l’enquête qu’elle entreprend va s’avérer plus complexe que prévu.
Critique : Dans ce film moins politique qu’émotionnel (et parfois un peu facilement, reconnaissons-le), Costa-Gavras s’avère avant tout un excellent directeur d’acteurs : les trois rôles principaux sont remarquablement tenus ; Jessica Lange, en particulier, est émouvante d’un bout à l’autre, son visage se défaisant au fur et à mesure des révélations. Mais on s’avoue surtout impressionné par la sobriété glaçante d’Armin Mueller-Stahl, parfait en père et grand-père attentionné comme en monstre froid, qui manie l’ambiguïté avec maestria.
- © 1989 Carolco Pictures. Tous droits réservés.
Music Box, titre dont le sens s’éclaire à la fin du film, raconte donc un parcours, celui d’une avocate pour innocenter son père ; l’essentiel du métrage se passe dans le tribunal, au gré des témoignages, des interrogatoires et contre-interrogatoires. Si la plupart de ces moments sont forts du point de vue scénaristique, on sait la difficulté d’en faire du cinéma en ne se contentant pas d’enregistrer de la parole ; Costa-Gavras y parvient plutôt bien, faisant du tribunal un lieu à parcourir en tous sens, avec des travellings soignés qui servent parfois de révélateurs en marge des locuteurs. De même le montage arrive-t-il à dynamiser ce qui pourrait se révéler lassant, notamment le problème de la traduction, la plupart des témoins s’exprimant en hongrois. Mais c’est évidemment leur charge émotionnelle qui l’emporte, les descriptions de violences subies se révélant toujours « payantes ».
- © 1989 Carolco Pictures. Tous droits réservés.
La bonne idée supplémentaire du film, c’est d’en faire un suspense moral, les détails à charge s’accumulant peu à peu, de manière subtile ou pas : il est trop systématique, par exemple, que chacune des caractérisations du père dans la première partie resurgisse pendant le procès (les pompes, l’appellation de « gitane », etc.). En revanche, son ambiguïté permanente, de plus en plus difficile à tenir, le jeu des regards père-fille, l’aveuglement naturel du petit-fils, tout cela fonctionne bien et tient aisément en haleine ; on est un peu moins friand du voyage en Hongrie, pourtant indispensable à la narration, mais qui justement pour cette raison, paraît forcé.
- © 1989 Carolco Pictures. Tous droits réservés.
Reste que, malgré son aspect hollywoodien propret, Music Box pose de nombreuses questions, notamment sur l’accueil des réfugiés ou l’antisémitisme, qu’il soit extrême ou comme celui de l’autre grand-père, dissimulé sous un vernis de civilité très bourgeoise. Plus convaincante encore, l’interrogation sur le passé du père renvoie à l’impossibilité de connaître vraiment quelqu’un, à la part d’ombre plus ou moins forte de chacun ; et comment ne pas penser à la banalité du mal, chère à Hannah Arendt ? Loin cependant du caractère démonstratif et parfois pesant de certains de ses films, Costa-Gavras sait, avec Music Box, revenir à l’une des forces du cinéma américain, cette manière de faire de l’action un moteur de questionnements sans que la théorie ne vienne au premier plan. En incarnant véritablement ses idées par une narration dense et des personnages concrets, il réussit l’un de ses films récents les plus aboutis.
– Ours d’or à la Berlinale 1990
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