Le 20 juin 2020
En dépeignant une sorte d’Odyssée mystique et tourmentée d’un jeune soldat portugais, égaré au Mozambique, pendant la Première Guerre mondiale, le film fait le constat terrible du désaveu commis contre l’humanité noire par la colonisation. Implacable, puissant et brillant.
- Réalisateur : João Nuno Pinto
- Acteurs : João César Monteiro, Filipe Duarte, Sebastian Jehkul
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Français, Portugais
- Distributeur : Alfama Films
- Durée : 2h02mn
- Date de sortie : 22 juin 2020
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Résumé : Rêvant de grandes aventures et de défendre sa patrie, un jeune homme portugais s’enrôle dans l’armée durant la Première Guerre Mondiale. Il est envoyé au front au Mozambique, en Afrique. Abandonné par son unité, il s’engage dans une longue traversée de la mystique terre Makua, marchant des milliers de kilomètres à la recherche de ses rêves.
Critique : C’est un jeune homme aux traits fins, au point qu’on le croirait à peine sorti de l’enfance. Il est propulsé sur le terrain de la Grande Guerre, en plein Mozambique, où l’armée portugaise, forte de son emprise coloniale, considère les Africains, au mieux comme de la chair sexuelle, au pire comme des animaux chargés de porter les hommes sur leur dos, pour acheminer les soldats jusqu’à la rivière. On comprend alors tellement la colère durablement installée dans le cœur et l’identité des peuples africains, qui se prolonge encore aujourd’hui à travers des manifestations culturelles contemporaines. Mosquito devient alors plus qu’un film. C’est une page ouverte sur la cruauté du monde, les ravages de l’esclavage, et l’épouvante de la discrimination raciale. C’est aussi le spectacle d’un changement profond amorcé chez ce jeune homme, qui doit rejoindre son campement, comme si la rupture totale, jusqu’à la faim, la maladie, le dénuement le plus total, étaient nécessaires pour devenir un autre que soi-même.
- Copyright Alfama Films
Mosquito est le récit initiatique d’un jeune soldat qui traverse le Mozambique, afin de retrouver son groupe. Il ne s’agit pas d’un road movie traditionnel. D’une part, parce que le scénario se situe pendant la Première Guerre mondiale, ce qui d’ailleurs est un détail, car l’histoire aurait pu avoir lieu à une autre période. D’autre part, parce que le véritable voyage que le jeune homme entreprend est un périple intérieur. Le corps, le visage, le regard se transforment au fur et à mesure du parcours, traduisant les mouvements spirituels qui le traversent. Le personnage va à la rencontre de congénères, mais aussi de peuplades locales. Il doit éprouver la faim, la peur, la solitude, la folie, et même tuer aveuglément un homme noir pour commencer le chemin de foi qui s’impose à lui. Mosquito est le roman d’une éducation sentimentale et mystique. La mise en scène, génialement valorisée par un travail sur la lumière époustouflant, choisit de ne jamais nommer les choses. On comprend à travers le titre que le protagoniste a pu être piqué par un moustique et atteint d’une opaque maladie hallucinatoire. On comprend surtout que ce périple est l’occasion de donner à son existence un sens nouveau.
- Copyright Alfama Films
L’intelligence de la réalisation provient de la façon dont le cinéaste mélange les effets visuels et incorpore à son récit de guerre des musiques modernes, qu’on pourrait juger anachroniques. Il n’y a pas de faute de mise en scène. Au contraire, la techno qui accompagne le récit transcende le portrait de ce jeune homme dans une universalité spirituelle. La puissance du film émane d’ailleurs de ce comédien, João Nunes Monteiro, qui habite son personnage avec un rare génie. Il semble tour à tour un enfant perdu, un soldat cruel et aveuglé par l’idéologie dominante, un adolescent en pleine mue et un fantôme de lui-même, dévoré par l’angoisse et l’épouvante de ce qui lui arrive.
- Copyright Alfama Films
Mosquito est un immense long-métrage qui donnera envie aux spectateurs de quitter leur enclos confiné, pour pénétrer les mystères spirituels de ce grand voyage où notre héros appréhende les limites de l’animalité de l’homme. L’originalité du récit est indéniable. Certes, on a déjà vu de ce type d’histoire, mais l’intensité avec laquelle le comédien habite son personnage donne à l’œuvre une puissance émotionnelle rarement vue. La musique, la photographie, les décors, la beauté de l’image tout simplement hanteront longtemps les spectateurs, avec, en toile de fond, le nécessaire travail qui nous incombe en matière de tolérance, d’amour de l’autre et de confiance en soi.
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