Mortelle Mixtape - Mathilde Payen - la chronique BD

Critique : En s’attaquant aux histoires de zombies, Mathilde Payen n’avait clairement pas envie de tomber dans le piège Walking Dead, à savoir construire une histoire de survie par une poignée de protagonistes, où la nature humaine est souvent pire que celle des zombies, chose que Resident Evil nous avait déjà enseigné par le passé, mais où la profondeur psychologique était finalement exaltée (contrairement au jeu vidéo précédemment cité). Son Mortelle Mixtape s’annonçait davantage comme une pérégrination plutôt drôle, dans un monde privé d’adultes trop vieux pour être conservateurs, la race humaine étant allée tranquillement dans le mur, à la manière d’un Zombieland. Il n’en est rien, car si la carapace comique semble englober ce roman graphique, il en résulte quelque chose de tout aussi fort au niveau des sentiments et des émotions, qui sont mis à l’honneur pour raconter, juguler ou protéger ceux que chacun peut ressentir dans la réalité que nous connaissons, mais que ce miroir d’anticipation vient renvoyer avec un éclat plus fort : par exemple, cette dualité de l’isolement, qui fait s’ennuyer, enferme dans un confort mélancolique mais qui est aussi un refuge pour beaucoup, une sensation de maîtrise. L’héroïne est vive, courageuse et touche du doigt une folie douce assez contemporaine, tandis que sa fin tragique (mais paradoxalement heureuse) fait voler en éclat ce prisme comique qui la précédait dans chacune de ses actions, signe d’un scénario bien amené.

© Sarbacane / Payen

Au premier abord, le style graphique ne semble pas vraiment convenir à cette histoire d’anticipation morbide, où les zombies sont nombreux et les survivants en nombre réduit, mais plus la lecture avance, plus ce décor qui fait la part belle à une verdure qui reprend ses droits, à un jardinet et un petit étang, à cette fête foraine qui s’insère dans une nature revigorée, donne tous les droits, et donc le style s’installe comme une évidence. Clairement, il ne faut pas chercher le frisson d’un zombie caché ou d’une bande rivale venue massacrer, mais plutôt se tourner vers des moments de fragilité paisible, de choix où les regards qui se croisent et les mains qui se ferment ont leur importance, davantage qu’un coup de couteau en pleine figure ou qu’une tête proprement tranchée.

© Sarbacane / Payen

Roman graphique d’anticipation servant d’exutoire à tant de questionnements actuels et personnels, Mortelle Mixtape a un titre ironique qui veut rappeler que la musique, et donc ici la vie, doit être vécue et que chacun reste maître de sa cadence.