Le 23 décembre 2020
- Dessinateur : Richard Corben
- Genre : Fantasy , Horreur
- Famille : Comics
- Voir le dossier : Nécrologie
Maître du fantastique et de l’horreur, le dessinateur Richard Corben s’est éteint le 2 décembre à l’âge de 80 ans. Retour sur une carrière prolifique qui le place parmi les géants de la bande dessinée américaine.
Dessinateur relativement peu connu du grand public, Richard Corben est pourtant une référence de la bande dessinée américaine. Son attachement à produire de façon indépendante et la singularité de son univers en font un personnage à part de la bande dessinée outre-Atlantique, et l’une des références de la bande dessinée de genre.
Richard Corben est un dessinateur dont la technique à l’aérographe, immédiatement reconnaissable, oscille entre le réalisme graphique et la caricature, le tout servi par une imagination débordante. L’art de Richard Corben s’incarne dans un fantastique bestiaire peuplé de créatures terrifiantes et grotesques. Son talent suscite en particulier l’admiration de ses pairs. L’ancien directeur artistique du festival d’Angoulême, Stéphane Beaujean explique cette admiration par la spécificité du dessin de Corben, qui :
« se caractérise par son esthétique absolument unique, avec des Golgoth protéiformes extrêmement musclés qui vivent des aventures délirantes, avec un dessin extrêmement coloré. Pour les dessinateurs c’est hallucinant, ils ne comprennent pas comment il produit ces dessins et ces couleurs parce qu’en fait il a dans sa tête un système de quadrichomie qu’il reproduit dans son garage, et ça personne ne sait le faire » (origine de la citation : France Culture)
Plusieurs fois lauréat des Eisner Awards, Richard Corben intègre en 2012 le « Hall of Fame » de la cérémonie. Il devient en 2018 le quatrième dessinateur américain lauréat du Grand Prix du festival d’Angoulême, après Will Eisner, Robert Crumb et Art Spiegelman. Cette consécration à Angoulême lui a valu une très belle exposition riche en planches originales spectaculaires au sein du musée des Beaux-Arts de la ville. Intitulée « Donner corps à l’imaginaire », cette exposition retraçait les cinquante ans de carrière de ce dessinateur devenu un maître de la bande dessinée de genre.
Diplômé du Kansas City Art Institute en 1965, Richard Corben auto-publie ses histoires dans la veine du comics undergrund, puis se lance à partir de 1970 dans l’illustration de récits d’horreur et de science-fiction pour l’éditeur Warren Publishing. Il devient l’un des collaborateurs réguliers de la firme. En France, Richard Corben est publié dès 1972 dans le magazine Actuel. En 1975, il prend contact avec les fondateurs du magazine Métal Hurlant, qui publie l’une de ses plus fameuses sagas, Den. Inspiré par les aventures de Conan de Robert E. Howard et les récits d’horreur de Howard P. Lovecraft, Richard Corben crée avec Den une série de fantasy culte mettant en scène un jeune homme maigrichon et passionné de culture populaire qui, une fois dans le pays imaginaire de Neverwhere, devient un guerrier musculeux vivant des aventures improbables. Ce récit offre à Corben le statut de star de la bande dessinée destinée aux adultes. Den constitue d’ailleurs l’un des récits fondateurs de la revue Heavy Metal, transposition américaine de Métal Hurlant.
- Richard Corben / Les Humanoïdes associés
Richard Corben enchaîne les publications entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990. Il réalise notamment une adaptation des Mille et une nuits (1979), Bloodstar (1981) publiéé chez les Humanoïdes associés, ainsi que Vic & Blood (1984) ou Le temps déchiré (1991) parus chez Albin Michel à l’initiative de Fershid Bharucha, un éditeur majeur pour l’importation en France de la bande dessinée indépendante américaine. Aux États-Unis, Richard Corben veille à rester indépendant des majors du secteur et publie ses titres dans différentes structures alternatives (Pacific Comics, Eclipse Comics). Il fonde également sa propre structure éditoriale, Fantagor, pour publier ses livres. Mais la faillite de sa maison d’édition au milieu des années 1990 le place en difficulté financière.
Richard Corben réalise donc dans les années 1990 et 2000 des travaux pour les éditeurs mainstream Marvel et DC. Il s’empare avec bonheur des personnages de Hulk, Hellblazer, Ghostrider et du Punisher (La maison au bord du monde, Punisher : the end). En parallèle, l’éditeur indépendant Dark Horse Comics lui propose de travailler sur des titres plus proches de sa ligne créative. Il investit en particulier le personnage de Hellboy sur un scénario de Mike Magnolia (récits parus en France chez Delcourt). Hellboy, l’homme tordu a d’ailleurs reçu en 2009 un prix Eisner. Dark Horse accueille aussi ses propres créations comme Aliens Alchemy. Richard Corben adapte ou réinterprète durant cette périodes les œuvres des écrivains qui l’ont inspiré, comme Edgard Allan Poe (Edgar Allan Poe’s Haunt of Horreur, publié par Marvel) ou Lovecraft, dont il adapte neuf nouvelles pour Dark Horse Comics. Le dessinateur est resté actif jusqu’à la fin de sa vie. Son dernier ouvrage, Murky World, vient tout juste de paraître aux États-Unis.
- Richard Corben / Delcourt
Depuis 2013, les belles éditions Delirium confèrent en France une nouvelle vie aux publications de Richard Corben. Passionné de l’œuvre de Corben, l’éditeur de Delirium Laurent Lerner réunit dans des anthologies les publications du dessinateur parues au début des années 1970 dans les revues Creepy ou Eerie et réédite des classiques de l’œuvre de Corben comme Monde mutant. Delirium publie également les derniers albums de Corben, notamment l’horrifique Ragemoor en 2014, réalisé en tandem avec Jan Strnad. Ce travail éditorial de qualité rend à nouveau accessibles les œuvres majeures du dessinateur, et n’est sans doute pas étranger à l’obtention du Grand Prix d’Angoulême.
- Richard Corben / Delirium
Il faut dire que tout au long de sa riche carrière, Richard Corben est resté fidèle à son univers graphique et narratif. Passionné de la bande dessinée de genre, il s’est imposé comme une référence internationale dans le domaine de la fantasy. À l’occasion de la réédition française de Den en 1999 (éd.Toth), Moebius a rendu un hommage vibrant et caustique à son confrère, qu’il a qualifié de « Mozart » :
« Richard ‘‘Mozart’’ CORBEN s’est posé au milieu de nous comme un pic extraterrestre… Il trône depuis longtemps sur le champ mouvant et bariolé de la BD planétaire comme la statue du commandeur, monolithe étrange, sublime visiteur, énigme solitaire… Et puis j’adore les héroïnes de BD dotées d’une forte poitrine ».
Les bandes dessinées de Richard Corben sont disponibles dans le catalogue de Delirium
Galerie photos
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