Le 24 mars 2020
- Dessinateur : Uderzo, Albert
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Le créateur du légendaire Astérix, avec son comparse René Goscinny, est mort aujourd’hui à l’âge de 92 ans. C’est une figure incontournable de la BD qui nous quitte.
News : C’est une des légendes de la BD qui vient de disparaître à l’âge de 92 ans. Albert Uderzo, le célèbre dessinateur d’Astérix, s’est éteint le mardi 24 mars. Avec son compère, le scénariste et dialoguiste René Goscinny, décédé en 1977, il avait tout simplement inventé le personnage de bande dessinée le plus patrimonial de la francophonie, concurrent sérieux du mythique Tintin imaginé par Hergé. Apparu le 28 octobre 1959 dans les pages du magazine Pilote, le petit Gaulois intrépide, flanqué de son ami Obélix, est devenu une sorte d’incarnation du Français essentialisé : bon vivant, râleur, chauvin, fidèle en amitié.
Jouant de ces stéréotypes, Uderzo et Goscinny ont construit une sorte de théâtre, avec une galerie de créatures fictionnelles aussi attachantes que diverses, peuplant un village breton qui toujours résiste à l’envahisseur romain. L’identité seule des protagonistes profile les intentions humoristiques de la saga, où se cristallise le goût du calembour (Abraracourcix, le chef rassembleur, Agecanonix, le vieux ronchon, Panoramix le druide épris de sagesse, Assurancetourix, le barde insupportable...). Dès le premier album, le succès sera immédiat. Les aventures du petit héros au casque ailé se vendront à plus de 380 millions d’exemplaires à travers le monde et seront traduites en 111 langues. Un parc d’attraction (ouvert en 1989), des films d’animation, des blockbusters cinématographiques de qualité diverse (on retient surtout le long-métrage de Chabat) contribueront à pérenniser la légende Astérix.
En 1977, Goscinny meurt d’une crise cardiaque. Uderzo reprend seul le flambeau, créant, en forme d’hommage, les éditions Albert-René. Il refuse de s’adjoindre les services d’un scénariste. Un certain nombre de fans le lui reprocheront, notant une très baisse de qualité des albums sortis à partir de 1980. Quelques années plus tard, sa main ne lui permettant plus de dessiner, l’artiste passe le relais à Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, après avoir envisagé, sur le modèle d’Hergé, que la BD ne pouvait survivre sans lui. Astérix chez les Pictes sortira en 2013. Ce sera, à nouveau, un grand succès.
L’immense notoriété de l’épopée du joyeux Gaulois et de ses amis ferait presque oublier les autres créations d’Uderzo, dont beaucoup d’autres dessinateurs se seraient largement satisfaits : parmi elles, on retiendra Tanguy et Laverdure, scénarisé par Jean-Michel Charlier, où deux pilotes d’avion, à l’amitié indéfectible, sont confrontés aux missions les plus dangereuses. Leurs aventures deviendront une série mythique à la télévision. Citons également le personnage d’Oumpah-Pah, première création du duo Goscinny-Uderzo en 1951, qui met en scène le brave Indien de la tribu des Shavashavas, allié au très distingué et très étourdi aristocrate Hubert de la Pâte Feuilletée.
On ne dira jamais à quel point Uderzo, qui ne se considérait pas comme un grand dessinateur, était un créateur de tout premier plan, capable d’insuffler à ses dessins le réalisme le plus scrupuleux : la précision architecturale qui caractérise l’album Le domaine des Dieux en constitue un exemple frappant. De même, le père d’Astérix avait l’art de l’outrance la plus débridée, accordée à l’humour du propos. Elle prenait chez lui la forme d’une démesure graphique : comme dans bien des albums de ses confrères appartenant à ce qu’on a appelé l’"École de Marcinelle", les traits physiques des figures débonnaires sont repérables à leurs formes arrondies. A contrario, d’autres protagonistes de la saga gauloise, ennemis du village résistant, sont parfois saisis avec un vrai sens de l’angulosité : on pense, entre autres, au madré Caius Saugrenus, le Romain fauteur de trouble qui apparaît dans Obélix et compagnie. Comme son collègue Franquin, Uderzo avait enfin le don du mouvement. De nombreuses scènes de bagarre en documentent la constante inspiration. Les géniales trouvailles du scénariste Goscinny ne doivent pas éclipser le prolongement graphique auquel son comparse donna une vraie densité inventive. La disparition d’Uderzo est celle d’un créateur doué, qui donna ses lettres de noblesse à la bande dessinée, bien au-delà du succès populaire.
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