Le 8 août 2021
Entre drame de guerre et thriller horrifique, Monos réinvente le genre du film d’adolescents, au milieu de la jungle suante et lourde de la Colombie. Un chef-d’œuvre cinématographique, aussi fascinant que dérangeant.
- Réalisateur : Alejandro Landes
- Acteurs : Julianne Nicholson, Moises Arias, Sofia Buenaventura, Julián Giraldo, Karen Quintero
- Genre : Thriller, Film de guerre
- Nationalité : Américain, Allemand, Suédois, Danois, Argentin, Néerlandais, Uruguayen, Colombien
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h43mn
- Date télé : 8 août 2021 20:40
- Chaîne : OCS City
- Reprise: 5 mai 2020
- Date de sortie : 4 mars 2020
- Festival : Festival de Sundance 2019
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Résumé : Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans du coin, et que l’armée régulière se rapproche, l’heure n’est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle...
Critique : S’agit-il d’enfants ou d’adolescents ? Le doute demeure. Il s’agit surtout de petits monstres de guerre, entraînés depuis leur plus jeune âge à utiliser les armes et à s’affranchir de toute forme d’émotion, à l’exception de la loyauté absolue à l’égard du groupe de guérilleros qui les utilise. Ils se battent dans la moiteur de la montagne arborée, manipulent les armes dans la toute-puissance, expérimentent la sexualité. Mais il n’y a plus d’enfance. Il n’y a plus que ces comportements monstrueux, aveuglés par le fanatisme, totalement aseptisés, indifférents au destin de la femme, Doctora Sara, qu’ils détiennent entre leurs griffes. La légèreté, l’insouciance ont disparu de ces enfants guerriers, au profit d’une sorte de psychopathie sombre. Le pire s’illustre dans cette scène terrible où le groupe d’adolescents massacre à coup de fouets un gamin qui a tenté de leur échapper, forçant même la femme retenue en otage à participer à leur battue, se réjouissant de la violence de la situation, et la pauvre victime se relevant de ses coups, le visage calme, terrassé d’indifférence.
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Monos est un film neuf. On n’aura pas vu une pareille originalité depuis longtemps. Le réalisateur Alejandro Sandes offre un long-métrage formidablement huilé qui remet en question toutes les conventions cinématographiques déjà connues. La bande-son, absolument troublante, donne au récit une pesanteur particulière qu’on a l’habitude de retrouver dans des films fantastiques. Le scénario, très écrit, brouille les pistes, déroute et dérange le spectateur, le forçant à prendre possession du labyrinthe dans lequel il est entraîné malgré lui. La violence s’immisce insidieusement dans ce récit inquiétant, sans que jamais la mise en scène n’accentue les effets ou s’enferme dans la démonstration. A cela s’ajoute une photographie superbe, rageusement parfaite, qui fait contraste avec la brutalité silencieuse des jeunes personnages. Aussi magnifiques soient ces paysages de jungle, aussi cruels sont ces enfants perdus. Et miracle du cinéma, si l’identification à ces adolescents est purement impossible, on est malgré soi emporté par une sorte d’empathie à l’égard de ces vies détruites par la manipulation belliqueuse.
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L’affiche française joue beaucoup sur l’ambiguïté du propos. Certes, ces adolescents s’accordent quelques rares moments de plaisir et de jeunesse. On les surprend se coiffer, rire ou encore écouter de la musique avec des écouteurs, comme nombre de jeunes gens aujourd’hui. Mais la plupart du temps, ils sont engagés dans un combat dont manifestement ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Leur révolution demeure celle du subissement et de la torpeur, ni plus ni moins. Ils se livrent à la mort, sans prendre conscience que ce combat qu’ils mènent contre des forces qu’ils ignorent les ampute de leur liberté et de leur jeunesse. Le synopsis parle de camp de vacances, là où on serait tenté de parler de camp de la mort ou de centre de détention. Le spectateur est pris en otage dans cette ambiance moite, pesante, au même titre que Sara qui, pour se sauver, renonce à son désir de maternité et à la pitié vis-à-vis de ces adolescents.
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Naturellement, on pense en s’invitant dans cette histoire à la célèbre prise d’otage d’Ingrid Betancourt par la guérilla FARC. On mesure l’atrocité de six ans d’emprisonnement, au milieu d’une forêt épaisse et hostile, dans l’humidité, la chaleur et la pluie. On mesure aussi l’embrigadement sectaire que subissent de nombreux enfants dans des combats politiques et guerriers à travers le monde, dont ils ne comprennent pas un mot. En ce sens, Monos est un film politique qui dénonce les enfants de la guerre et la brutalité des conflits en Colombie. La maturité du cinéaste est admirable, Alejandro Landes réalisant son troisième long-métrage. Il est fort certain que ce film réinvente en profondeur les lignes du cinéma, tant dans la manière de conduire le récit que de suggérer l’ambiance par le travail sur le son, la musique et la lumière.
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Monos est un film puissant, pourtant mené à pas feutrés, dont les spectateurs sortiront ou abasourdis par ce qu’ils auront vus, ou clairement déstabilisés. Dans tous les cas, l’indifférence pour ces gamins égarés ne sera pas de mise.
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