Mon curé chez les nudistes - la critique

Critique : Dans un trou de ver s’est engloutie l’âme artistique de Georges Descrières, bien loin des planches patrimoniales de la Comédie-Française : il faut voir son personnage, fier comme Artaban, debout sur un matelas pneumatique, aborder en conquistador la terre des nudistes à évangéliser, tandis que son benêt de curé l’attend pour célébrer un mariage sur la plage.
Descrières joue l’évêque, Préboist est un ecclésiastique mandaté par le premier, pour ramener des ouailles égarées sur le chemin de Damas. « Ton univers impitoyable », ajouterait volontiers l’un des joyeux drilles de cette franchouillardise mythologique, qui postulerait au-delà du Z, s’il existait une vingt-septième lettre de l’alphabet.
Cette nullité sur pellicule, digne des plus beaux fleurons de Clair ou Pécas, est signée Robert Thomas, un auteur à succès du théâtre, plutôt pas manchot, puisqu’il écrivit en 1960 la pièce de comédie policière Piège pour un homme seul, qui fut un triomphe, à tel point qu’Alfred Hitchcock fut à un moment tenté d’en acheter les droits ! Il imagina aussi le texte Huit femmes, adapté au cinéma par François Ozon, des années plus tard.
Bien loin de l’alliance entre le théâtre de boulevard et le polar, Thomas signe ici son troisième long métrage et offre à Paul Préboist, alors second ou troisième couteau des comédies gauloises, une opportunité formidable : accéder au premier rôle, avec pour tout bagage artistique un accent marseillais et trois grimaces minables.
Mon curé chez les nudistes est la justification par l’exemple des apparitions fugaces du comédien dans d’autres plaisanteries filmées, de leur légitimité au regard d’un potentiel de drôlerie qui contemple la nullité depuis le bas d’une falaise.
Le reste est un trip hallucinatoire, depuis le premier sermon ludique du curé, dans une paroisse bondée (une imitation du bestiaire de l’arche de Noé), jusqu’au séjour dans le camp des tout nus, en passant par le voyage en 2CV avec une oie allégorique, des filles qu’on déshabille volontiers (Katia Tchenko en particulier, star immarcescible des nanars 70-80), Jean-Marc Thibault en paysan excité, des surnoms racistes (un Noir qu’on appelle "Banania"), des caricatures homophobes (Oscar, efféminé, forcément coiffeur) et des tentatives de gags qui côtoient un Everest à tête renversée.
Sorti en 1982, le film suscita tout de même un miracle : plus d’un million de spectateurs se pressèrent pour le voir, ce qui suscita une fausse suite, Mon curé chez les Thaïlandaises (1983), avec Maurice Risch dans le rôle principal (Préboist n’était pas libre).