Le 10 mars 2021
Entre ce qu’il faut être et ce qu’on veut être, il y a un grand écart. À travers la sensualité dégagée par la danse, ce film explore la construction de l’identité et de la féminité d’une jeune fille partagée entre deux cultures. Un portrait sulfureux, pailleté, honnête et courageux.
- Réalisateur : Maïmouna Doucouré
- Acteurs : Fathia Youssouf, Maïmouna Gueye, Médina El Aidi-Azouni, Esther Gohourou, Ilanah Cami-Goursolas , Myriam Hamma
- Genre : Comédie, Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h35min
- VOD : Netflix
- Date télé : 23 février 2023 21:10
- Chaîne : France 4
- Date de sortie : 19 août 2020
- Festival : Festival de Berlin 2020, Festival de Sundance 2020
Résumé : Amy, onze ans, déménage avec sa famille sénégalaise à Paris. Amy est dans cette période de découverte de la féminité et des pressions qui l’accompagnent mais aussi elle doit s’adapter à une nouvelle culture où « être femme » a une signification très différente par rapport à son pays d’origine. Des changements poignants ont lieu au sein de sa famille et interrogent également la signification d’être femme. Amy rencontre un groupe de jeunes filles qui s’entraînent pour un concours de danse sous le nom de « Mignonnes ». A travers la danse, la quête d’Amy sera de trouver et définir son identité.
Critique : Maïmouna Doucouré, scénariste et réalisatrice de Mignonnes, récompensée du prix de la meilleure mise en scène au festival de Sundance, démontre qu’elle a le courage de raconter l’histoire d’un personnage dans la transition de la puberté, sans aucune concession sur ce que peut être la découverte de la sensualité et de la féminité. L’histoire privilégie d’abord le point de vue d’une petite fille innocente, craintive, perdue. Peu à peu, les focalisations sont de plus en plus voyeuristes, se baladent curieusement et retrouvent ce qui donne le plus d’extase aux yeux d’Amy : des corps triomphants à travers des danses sensuelles.
- Copyright BIEN OU BIEN PRODUCTIONS 2018
Le cadrage atteint brillamment ces points de vue et trouve toujours un équilibre pour exprimer la délicatesse de moments intérieurs et la densité de la relation entre les personnages. On trouve souvent des scènes d’instants suspendus, plus éthérés, notamment lors des séquences de danse où des paillettes et des lumières colorées nous submergent dans une rêverie délicieuse. D’autres fragments nous montrent l’hypersexualisation des corps féminins, évoquent notamment les clips musicaux qui zooment, en découpant différentes parties de l’anatomie. Le film documente aussi l’usage des réseaux sociaux comme forme de reconnaissance sociale, ainsi que la dépendance que crée la nécessité de se sentir « validé ».
Le scénario crée une liaison circulaire entre la vie en famille et la vie sociale. D’une part, il y a la mère, incarnée de manière époustouflante par Maïmouna Guey. La féminité du personnage est mise à l’épreuve : l’arrivée d’une deuxième épouse dans ce foyer est impactée par une culture qui permet la polygynie. En même temps, la figure du père est presque entièrement absente, se manifeste uniquement par une voix au téléphone.
D’autre part, il y a Amy qui rêve d’une reconnaissance sociale adossée à la beauté, la féminité et la popularité sur les réseaux sociaux. Ainsi, l’héroïne se retrouve fréquemment déchirée entre ce que sa famille religieuse, d’origine africaine, exige d’elle, et ce qu’elle veut être.
De cette bataille résulte une énergie sulfureuse qui se décline dans des mouvements de danse et même des bêtises immorales, comme le vol. La famille d’Amy perçoit ces comportements comme le signe d’une possession démoniaque. En réalité, cette passion, à laquelle s’adonne la petite fille, agit comme une force libératrice qui lui permet de dompter ses angoisses et de se détacher de la crise familiale.
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La jeune actrice qui incarne Amy, Fathia Youssouf, démontre une parfaite maîtrise de l’arc du personnage, transformé par chaque confrontation : la religion, la morale, la violence, ce qui est permis ou pas pour se défendre, constituent des éléments qui s’enchaînent dans ce tourbillon qu’est l’adolescence. S’adapter et trouver son identité est l’enjeu principal pour la protagoniste.
Maïmouna Doucouré nous livre ainsi un film audacieux et pertinent qui interroge la féminité dans un contexte biculturel et questionne plus largement la problématique du décalage entre les attentes de la famille et l’identité personnelle. L’histoire d’Amy, mais aussi celle de sa mère, forment la trame d’un récit qui saura résonner chez le spectateur.
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Lacitedesfemmes 3 décembre 2020
Mignonnes - Maïmouna Doucouré - critique
A travers ce film, on perçoit le moment où toutes les jeunes filles sont en quête de leurs identité de femmes. C’est à l’adolescence qu’on sort de son cocon. On cherche à s’intégrer à un groupe, et on a de plus en plus conscience de son image sociale. Mais toujours pas le recul nécessaire pour se poser des limites….
Amy, comme beaucoup d’entre nous à son âge se retrouve coincée entre deux systèmes de valeurs qui se combattent. Mignonnes est un film à voir. Certaines images sont choquantes, certes. C’est ce qui a valu ce déferlement sur les réseaux sociaux. Pourtant, il m’apparaît paradoxal que cette tendance à l’hyper sexualisation reste tabou à l’heure où des jeunes filles fondent leurs popularités sur TikTok en postant des danses suggestives.
Ce film est d’apparence superficielle mais il est très profond. C’est pour cette raison que j’ai consacré un article sur mon blog à l’effigie de "Mignonnes". J’y développe un point de vue très féminin : https://lacitedesfemmes.fr/la-polemique-autour-du-film-mignonnes/ .