Shadow film
Le 19 novembre 2014
Fallait-il vraiment attendre dix ans pour pareille débandade ?
- Réalisateur : Barry Sonnenfeld
- Acteurs : Will Smith, Tommy Lee Jones, Emma Thompson, Josh Brolin
- Genre : Comédie, Science-fiction, Action
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h44mn
- Date télé : 16 mars 2021 20:55
- Chaîne : Canal+ Family
- Titre original : MIB3
- Date de sortie : 23 mai 2012
Men In black 3, bête de marketing, oui, film abouti, rien de moins sûr ! Chronique d’un triomphe du postmodernisme...
L’argument : En quinze ans de carrière chez les Men in Black, l’agent J a vu beaucoup de phénomènes inexplicables… Mais rien, pas même le plus étrange des aliens, ne le laisse aussi perplexe que son partenaire, le sarcastique K.
Lorsque la vie de K et le destin de la Terre sont menacés, l’agent J décide de remonter le temps pour remettre les choses en ordre. Il va alors découvrir qu’il existe certains secrets de l’univers que K ne lui a jamais révélés. Il est cette fois obligé de faire équipe avec l’agent K, plus jeune, pour sauver la vie de son partenaire, l’agence, et l’avenir même de l’humanité…
Notre avis : Il faut le savoir, mais Barry Sonnenfeld est un urgentiste du cinéma. En 1997, le Dr Greene de la science-fiction sauvait le premier MIB d’un four galactique en supprimant purement et simplement une troisième race extraterrestre d’un script jugé trop bordélique pour faire un gringue décent au box-office. Le triple-pontage scénaristique mis en place par l’homme derrière la Famille Addams et opéré en post-prod (notamment en redoublant les dialogues de l’alien bouledogue) valut peut-être à l’aîné de la trilogie un statut de film quasi-culte, dont il traîne encore l’auréole. Avec le recul, c’est peut-être en partie à cause de son ignoble suite (et d’une fabrication pas infâmante du tout) que cette première adaptation des comics de Lowell Cunningham avance toujours nimbée d’une gloriole dont les autres films de Sonnenfeld sont complètement amputés (souvenons nous de Wild wild west…). Quoi qu’il en soit, ce charmant faiseur de Barry a retenu la leçon : mieux vaut tourner quasiment nu que trop habillé. Aussi, la production de ce MIB 3 fut lancée à New-York et en dépit du bon sens, avec un quart de script et l’idée qu’une miraculeuse concordance d’agenda entre les deux têtes de gondole du projet (Will Smith et Tommy Lee Jones donc) prime forcément sur un quelconque travail d’écriture. A l’heure où Jeff Bridges avoue avoir tourné Iron Man sans dialogues préalables, on en vient à penser qu’à Hollywood, du moment que coffres et salles se remplissent sur la foi d’une bonne promo ou de la réputation d’un produit, on peut tranquillement laisser la prudence et l’éthique à la cave. Le problème, c’est que le nouveau crime de Sonnenfeld, scénarisé par l’autre Etan Cohen (le non-parent pauvre du frère de Joel), sent quand même très fort le coin de table et l’arôme de synthèse.
L’autre problème de MIB 3 a 43 ans et mesure 1m88. C’est une taille conséquente pour un problème. Surtout lorsque le film en fait son atout premier. On ne veut d’ailleurs même pas connaître les clauses douteuses dont son contrat doit-être perclus, mais le fait est que Will Smith phagocyte littéralement tout le métrage. Pas une scène ne se clôt sans que la caméra ne s’attarde sur le visage de l’ex-prince pour y guetter son approbation, pas un dialogue ne se termine sans que l’impardonnable Bad Boy de Michael Bay ait apposé sa grimace signature ou sa vanne bâclée. Ça relève quasiment du placement de produit. Parce qu’en dehors de la disproportion de son quota de gros plans, l’agent Smith semble refuser d’être filmé de dos, sauf pour les scènes d’action, de toutes façons usinées par sa doublure. Aussi on espère que vous aimez les travellings arrières, parce que Willou ne rentre nulle part sans nous imposer sa démarche bouillante de mannequin De Fursac et une moue hip-hop dont il a du déposer les droits. Comment Sonnenfeld pense t-il être crédible avec un film dont l’écriture et la mise en scène ne sont que l’écume d’une vague programmée pour s’échouer sur une sous-joke de comedy club ? Notez que le récit, s’il nécessite l’intervention de l’agent J, est avant tout basé sur un épisode fondamental de la vie de l’agent K (Tommy Lee Jones). Ici, non seulement sa narration n’est pas seulement vécue à travers les yeux de Smith, mais carrément par lui. Prisme déformant, mégalomanie du X-file ou schizophrénie en roue libre, on ne saurait trancher, mais l’ensemble nous évoque vaguement un mauvais sketch du Saturday Night Live.
Incapable de tenir ses personnages et une trame pourtant épaisse comme un digest de proto-comics, le film sonne aussi faux que les « Yo dog » périmés de sa starlette. Mais ce qui choque la pauvre victime amenée à le supporter, c’est que Sonnenfeld et Cohen semblent en avoir totalement conscience. Et en guise de constat d’échec, ils invoquent ce qu’on appellera désormais le « prétexte de la tarte ». Le procédé est assez simple : lorsque vous n’avez pas réussi, par manque de temps ou d’application, à creuser la relation entre les deux protagonistes principaux de votre histoire, envoyez les au dinner du coin se chercher des affinités autour d’une tarte solidement vintage - le ciment de toute amitié américaine des années 60 - et ce même s’ils sont censés poursuivre un criminel intergalactique (le très bon Jemaine Clement, de Flight Of The Conchords, complètement sous-exploité). Et pour que ça paraisse crédible, ou du moins acceptable, faites dire à un des deux tire-au-flanc : « c’est vrai que c’est inutile et contre-productif mais pourquoi pas ». Cela revient à justifier une aberration par une autre mais, au moins, personne ne vous soupçonnera de manquer d’humour.
Bref, à part deux trois sketchs réussis (parce qu’il s’agit d’une suite de sketchs), comme celui dans lequel on découvre qu’Andy Warhol était un agent infiltré du MIB, condamné à peindre des boîtes de soupe pour ne pas trahir sa couverture, cette fumisterie reprend l’entreprise d’autodestruction familiale là ou le deuxième volet de la trilogie l’avait laissée. Et ce n’est ni son bestiaire de poissonnerie extraterrestre, ni ses improbables flingues en plastique aggloméré qui viendront donner un peu de chair à un univers aussi crédible que l’intérieur d’un Polly Pocket. Ajoutons, au cas où certains voudraient sauver le personnage de Griffin (alien plutôt drôle capable de percevoir plusieurs dimensions simultanément), que les générations biberonnées aux paradoxes temporels ne verront rien de nouveau sous la lune. On pourrait toutefois saluer la performance de Josh Brolin qui, après W, prouve qu’il est un des meilleurs imitateurs du cinéma américain. Ou un acteur sans visage, c’est selon. Quoi qu’il en soit, sa jeune version de Tommy Lee Jones est troublante. C’est un peu comme revoir JFK. Pour le reste, MIB 3 n’est qu’une sorte de produit dérivé de lui-même, un placebo de film remonté comme un pendule hollywoodien pour se vendre sur son seul packaging. Il fait partie de cette catégorie de projets retords qui galvaudent le concept même de divertissement, tout en l’utilisant pour plaider leur cause. Cela dit, tout ça n’est pas très important, puisque regarder le film équivaut à prendre un coup de neuroliser perdu : vous ne garderez aucun souvenir de votre séance, même si l’odeur persiste. Et c’est agaçant.
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Frédéric de Vençay 3 juin 2012
Men in Black 3 - la critique
Le retour des hommes en noir n’était pas ce qu’il y avait de plus urgent (ou de nécessaire) sous le soleil. Pour peu qu’on ait gardé au fond de soi une part de régression post-teenage et qu’on se soit bien marré devant les frasques de l’opus 2 (c’est possible, je l’ai testé), ce double retour dans le passé peut s’avérer plaisant, quoique complètement anachronique en 2012. Preuves parmi d’autres : la mise en scène anémiée de Sonnenfeld, le jeu essoufflé de Will Smith, les gags oscillant entre le moyen et le franchement bof... Qu’est-ce qui fonctionne (un peu) quand même ? Bizarrement, tout le reste, à commencer par son scénario (oui oui), plus retors qu’il n’y paraît, et son émotion (oui oui !) qui point dans le dénouement, pour peu qu’on ait gardé un fond de tendresse envers le vieux couple formé par les agents J et K. A sauver également, la prestattion troublante de Brolin et le beau personnage de Griffin, prophète nerd et mélancolique (incarné par le génial Michael Stuhlbarg) qui fait complètement décoller le film à mi-parcours.