Après la révolution
Le 10 juillet 2016
Les doutes d’un intellectuel bourgeois après la révolution cubaine. L’un des films les plus novateurs et passionnants des années 1960.
- Réalisateur : Tomas Gutiérrez Alea
- Acteurs : Sergio Corrieri, Daisy Granados, Eslinda Núñez, Omar Valdés, René de la Cruz
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Cubain
- Distributeur : Les Films du Camélia
- Durée : 1h37mn
- Reprise: 13 juillet 2016
- Titre original : Memorias del subdesarrollo
- Date de sortie : 16 octobre 1974
- Plus d'informations : La bande-annonce
- Festival : Festival de Cannes 2016
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– Année de production : 1968
Résumé : Un an après la révolution cubaine, Sergio, un intellectuel bourgeois aisé, décide de rester vivre dans son pays malgré l’exil de sa famille vers les États-Unis. Mais les bouleversements sociopolitiques viennent changer l’environnement et Sergio se trouve tiraillé entre un passé qu’il refuse et une situation nouvelle à laquelle il n’adhère pas. Il cherche alors à comprendre le contexte dans lequel son pays se trouve, ce qui lui est arrivé, passant en revue sa propre vie et ses relations avec ses maîtresses, Elena et Hanna.
Notre avis : Tomas Gutiérrez Alea avait participé à la création de l’Institut cubain de l’art et de l’industrie cinématographiques (ICAIC). Des documentaires officiels (Histoire de la Révolution) et une comédie burlesque (Las Doce sillas) avaient mis en lumière son savoir-faire. Mémoires du sous-développement, d’une réelle originalité de style, est le chef-d’œuvre du cinéma cubain et son film le plus célèbre. C’est d’abord le beau portrait d’un « bobo » pris dans une sorte d’entre-deux, refusant son passé qui ne cesse de le hanter, et niant les transformations de son pays. Vivant d’une rente que lui apporte la nationalisation de ses propriétés, incapable de terminer le roman qu’il a commencé, Sergio est ballotté entre le souvenir des femmes qu’il a aimées et sa difficile relation avec une jeune fille de condition populaire, incapable de partager sa passion pour l’art et la culture, et dont la famille se montrera particulièrement ingrate à son égard. Passé et présent se mêlent alors dans les pensées de Sergio, et ses turpitudes personnelles croisent la destinée d’un pays marqué par des bouleversements économiques, sociaux et politiques de premier ordre. « Son ironie, son intelligence sont un système défensif qui l’empêchent de se sentir concerné par la réalité… Il n’assume pas sa destinée historique », avait précisé Edmundo Desnoes, le romancier dont le livre est adapté. Tomas Gutiérrez Alea décrit avec acuité cette fusion entre la destinée individuelle et le parcours collectif, prolongeant quelque peu la démarche d’Alain Resnais dans Hiroshima, mon amour.
Il est clair qu’il s’est également identifié à son personnage, qui porte sur La Havane un regard tant lucide que désabusé, et se montre à la fois rationnel et ironique envers lui-même. Du coup, la force du film est d’être critique vis-à-vis de la bourgeoisie de la période pré-révolutionnaire, tout en ayant une vision sarcastique sur les protagonistes et les contradictions de la Révolution cubaine. On peut dès lors s’étonner de l’absence de problème avec la censure politique lors de la sortie du film en 1968. Par ailleurs, Mémoires du sous-développement incruste avec bonheur des images documentaires (de la chute de Batista à la crise des missiles), et se permet d’insérer de brefs extraits de films ou d’artistes (Marilyn Monroe) qui révèlent la fascination du réalisateur pour la culture occidentale. Ajoutons à cela que le film adopte le ton très Nouvelle Vague des années 1960, des déambulations de Sergio dans les rues de la capitale à ses échanges avec Elena dans l’appartement, qui ne sont pas sans évoquer les scènes entre Seberg et Belmondo dans À bout de souffle. Le mérite du cinéaste est de ne pas se contenter de surfer sur une vague de cinéma mais de la greffer à son véritable univers et au contexte cubain. Mémoires du sous-développement fut le premier film cubain d’après la révolution à avoir été montré aux États-Unis. Il sortit en France en 1974. Il vient d’être restauré en 4K en partenariat avec l’ICAIC, les Films di Camelia, la Cineteca di Bologna et The Film Foundation’s World Cinéma Project.
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