Le 3 août 2018
Véritable classique à Cuba, cette bulle de fraîcheur, hymne à la vie et à la tolérance, fait partie de ce petit nombre de films qui rendent heureux.
- Réalisateurs : Juan Carlos Tabio - Tomas Gutiérrez Alea
- Acteurs : Vladimir Cruz, Jorge Perugorria, Mirta Ibarra, Francisco Gattorno
- Genre : Comédie dramatique, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain, Espagnol, Cubain, Mexicain
- Distributeur : Tamasa Distribution , AFMD Distribution
- Durée : 1h51mn
- Reprise: 8 août 2018
- Box-office : 150.000 entrées France / 79.304 entrées P.P. (en 13 semaines, chiffres non-définitifs)
- Titre original : Fresa y Chocolate
- Date de sortie : 21 septembre 1994
- Festival : Festival de Berlin 1967, Festival de Berlin 1994
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– Grand Prix du jury (Ours d’Argent), Berlinale 1994
Résumé : David, un jeune étudiant cubain, ne doute pas de la validité des idéaux castristes. L’amour lui semble plus contestable. Vivian, la femme qu’il courtisait, ne vient-elle pas d’épouser un autre homme ? Désappointé, David erre dans La Havane et finit par rencontrer Diego. Il préfère la glace au chocolat, Diego choisit la fraise. Mais qu’importent les différences, pourvu qu’on ait le souci de se comprendre ! Diego emmène David chez lui et l’introduit dans son univers d’artiste homosexuel. D’abord choqué, David retourne pourtant chez Diego, avec l’intention d’espionner ce dangereux délinquant contre-révolutionnaire...
- Affiche originale 1994 AFMD Distribution
Critique : Déjà malade quand il entreprend Fraise et chocolat, Tomas Gutiérrez Alea a réalisé une œuvre devenue très populaire et très surprenante dans le contexte cubain. Il ne craint pas d’y critiquer la révolution (ou ce à quoi elle a abouti) ni de parler librement d’homosexualité sans condamnation. Mais, à travers l’improbable rencontre de l’orthodoxe David, étudiant enrégimenté, et de Diego, intellectuel gay, le film donne surtout une leçon de tolérance : non seulement le premier change, acceptant l’autre, mais le second se révèle dans ses combats et ses failles, plus complexe que l’image de folle maniérée qu’il donne de lui dans sa première apparition. Vu par David, il se mue en personnage profond, jamais pathétique et, s’il se propose d’être son « professeur », c’est bien pour lui administrer un leçon de vie, qu’il reçoit à son tour : dans la dernière séquence, avant l’accolade poignante, il confesse ses piteux stratagèmes pour le séduire et parvient à une forme d’absolution.
- (C) Icaic / Tamasa
Ce dernier terme n’est jamais employé, mais la religion mêlée de superstition est omniprésente dans la vie de Diego, comme dans celle de son expansive voisine, Nancy ; on parle de pureté, mais on s’adresse aussi à la Vierge, à Jésus, comme au « parrain », sorte de sorcier muet aux présages funestes. Curieux mélange qui montre une familiarité peu commune avec le merveilleux du quotidien, ce que le film ne cesse de montrer. On pense parfois à Ninotchka, dans lequel Greta Garbo suit un chemin parallèle à celui de David, apprenant à goûter les joies du présent en délaissant une hypothétique avenir de bonheur universel. Et, comme elle, David trouve l’amour et s’initie à la sexualité avec Nancy, mais une sexualité simple et heureuse, qui s’oppose à la première et belle séquence dans laquelle le jeune homme a attiré sa fade fiancée dans un hôtel de passe où tout n’est que sordide et gêne, et qui n’aboutira à rien. Face à ce caractère empesé et hypocrite, la discrète scène d’amour entre Nancy et David sonne comme l’acceptation adulte d’un rapport qui fait fi des conventions et de la morale puritaine.
- (C) Icaic / Tamasa
On sent le cinéaste amoureux de ses personnages : il ose un travelling sur le corps de David, matérialisation du regard langoureux de Diego, mais il traite en finesse tout aussi bien Nancy, la suicidaire ratée, boule d’énergie et bigrement attachante. Mais c’est avec le portrait torturé de Diego qu’il se surpasse, lui accordant une épaisseur et un charme infiniment nuancé. Personnage complexe et abouti, il rejoint sans doute le cinéaste et ses « illusions perdues », qu’il exprime dans des tirades soignées et touchantes.
Mais l’autre personnage majeur du film, c’est Cuba, les rues de La Havane, la mer, ces immeubles colorés et en mauvais état, cette émulation qu’un pouvoir paranoïaque ne parvient pas étouffer. Les promenades ou la glace prise au café qui donne son titre au métrage sont autant d’occasions, par une mise en scène sobre et rêveuse, de célébrer un lieu tout autant que la vie simple, l’instant présent.
- (C) Icaic / Tamasa
On pourra regretter quelques facilités, mais le scénario est remarquablement construit dans sa progression sereine (voir la reprise de la séquence de la glace inversée), les dialogues souvent piquants (l’ironie subtile de Diego, les phrases stéréotypées tournées en dérision) et les interprètes remarquables. Film à la fois léger et profond, drôle et émouvant, Fraise et chocolat fait partie de ces œuvres qui, comme par miracle, nous touchent et nous élèvent, en distillant un message humain et jamais pesant.
- (C) Icaic / Tamasa
- (C) Icaic / Tamasa
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