Glory & consequence
Le 7 octobre 2009
Eastwood filme la guerre, ses horreurs et ses absurdités, mais reste trop timide avec son sujet. Service minimum pour ce premier volet de la "saga" Iwo Jima.
- Réalisateur : Clint Eastwood
- Acteurs : Ryan Phillippe, Jamie Bell, Paul Walker, Adam Beach, Jesse Bradford, Gordon Clapp, George Grizzard
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h12mn
- Titre original : Flags of Our Fathers
- Date de sortie : 25 octobre 2006
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Résumé : L’histoire des soldats qui plantèrent le fameux drapeau américain sur l’île japonaise d’Iwo Jima en 1945, devenu une photo puis une statue symbole de la guerre du Pacifique outre-Atlantique.
Notre avis : C’est un passage quasi obligatoire à Hollywood. Le film de guerre, en particulier celui sur la Seconde Guerre mondiale, est un casse-gueule magistral, ou le meilleur moyen de prouver qu’on en a. Spielberg (ici producteur) avait sauvé son soldat Ryan avec force, signant au passage un débarquement de Normandie dont on se souviendra longtemps. Eastwood, en vieux briscard, évite les crosses, et marque l’exercice de sa patte, hésitante, pas toujours heureuse mais avec juste ce qu’il faut d’originalité. À croire qu’il savait qu’on l’attendait au tournant.
Le premier coup de poker du vieux Clint, c’est d’avoir écrit un film en deux temps, un diptyque alléchant proposant de vivre une même bataille (la fameuse bataille d’Iwo Jima, donc) d’un double point de vue, celui des Américains, puis des Japonais (Lettres d’Iwo Jima, le second volet, sortira au début de l’année 2007). L’idée, en plus d’être, a priori, passionnante, pousse à calmer les ardeurs de ceux qui, après visionnage de ce premier volet, voudraient descendre l’entreprise. Il serait sage d’attendre d’en avoir vu l’ensemble avant de juger définitivement. Ce qui ne nous empêche pas de nous arrêter un instant sur Mémoires de nos pères (pauvre traduction pour nous spectateurs français de Flags of our Fathers, l’histoire tournant autour d’un drapeau, et non de la maladie d’Alzheimer. Passons.)
Partant d’une bonne idée, et d’une bonne intention, Eastwood signe un film plus qu’inégal, bancal tant il veut toucher, faire réfléchir, critiquer et caresser dans le sens du poil à la fois. Car en effet son métrage n’est pas franchement un film de guerre. Certes, on y assiste à un spectaculaire débarquement et à des scènes de combat fort correctes (qu’on ne pourra s’empêcher de comparer avec celles du soldat Ryan), mais l’intérêt de son histoire prend place après les combats, en compagnie de trois des six "planteurs de drapeau" devenus symboles de l’effort de guerre. Renvoyés au pays, trimbalés comme des rock stars à peine nettoyées du sang des combats (et de celui de leur camarade étripés sous leurs yeux), nos trois "héros" vont faire l’expérience de l’aveuglement de ceux qui n’y sont pas, au combat, et qui trouvent ça excitant. Alternant scènes sur la "tournée" glorifiante, scènes de combat et très inutiles "interviews" des "héros" dans leurs vieilles années, Eastwood tente d’illustrer son propos, lourdement explicité en fin de compte : les héros n’existent que pour ceux qui les font, qui en ont besoin, autrement dit ceux qui n’en sont pas. En un mot : les héros n’existent pas, surtout pas à la guerre où "on ne cherche qu’à survivre", mais c’est normal qu’on se les invente quand même.
Au-delà de ce propos, Mémoires de nos pères n’est, malheureusement, qu’un film de plus à la longue série des portraits de guerre, surtout par son esthétique (et cela malgré la très belle photo de Tom Stern, directeur attitré d’Eastwood), qui ose tous les clichés de l’Amérique des années 40 : maisons en bois blanc, balançoire et vieille voiture, jazz et cigarettes. À trop avoir encensé le brillant Million Dollar Baby, on en aurait oublié qu’Eastwood est un cinéaste populaire. Mémoires de nos pères, parfois violent (mais rarement complaisant ; la guerre reste ici plutôt moche, si l’on oublie les habituelles relations viriles entre les soldats, parties de cartes, débardeur et copines à la maison) et parfois tire-larmes (incalculables morts "en direct", avec dernier regard suppliant) est un film grand public, dont la bonne idée de départ ("we don’t need another hero", comme dirait la chanson) se trouve quelque peu diluée entre les cartes postales de guerre et un certain sentimentalisme de pellicule.
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