Martin Scorsese - Courts métrages & documentaires

Wild Side exhume des raretés oubliées de Scorsese. Une compilation inégale d’où se distinguent The big shave et American boy, deux bombes indispensables.

Notre avis : Les introuvables. La collection DVD initiée par Wild Side n’a jamais aussi bien portée son nom. Cette fois-ci, l’éditeur s’est penchée sur le cas Scorsese et propose trois courts métrages ainsi que deux documentaires, jusqu’alors invisibles (en tout cas sur support numérique). L’événement est de taille, considérant l’impressionnante réputation du cinéaste adulé de la critique et du public.
Soyons clairs, les deux premiers courts métrages sont assez décevants. Tout au plus peut-on s’amuser à y déceler les germes des œuvres à venir. What’s a nice girl like you doing in a place like this, courte fable psychanalytique, ne ressemble pas à grand-chose. Ou plutôt si, à un court métrage d’étudiant new-yorkais, trop occupé à imiter ses idoles de la Nouvelle Vague et de l’école new-yorkaise (le Shadows de Cassavetes est déjà passé par-là) pour faire preuve de recul. Le résultat, relativement court (9 minutes), dégage tout de même une certaine spontanéité débridée. Un premier essai arty et brouillon.
Avec It’s not just you, Murray, le cinéaste raconte, sur un ton humoristique assez proche d’un Woody Allen des débuts, le parcours d’un gangster local. Rien de mémorable, si ce n’est les premiers pas de Scorsese dans ce qui constituera sa marque de fabrique : la culture italo-américaine. On y retrouve aussi son sens du montage, frénétique. Niveau courts métrages, The big shave est à la fois le plus connu, le plus abouti et le plus marquant. En 6 minutes chrono, un homme s’y rase jusqu’au sang sur fond de musique jazz. Le cocktail névrose et ultraviolence s’y expriment pleinement et fait du film une petite merveille de nihilisme.
Mais le principal attrait de cette édition DVD réside dans les deux documentaires : Italianamerican et American boy. Deux instantanés de l’Amérique façon Scorsese. Dans le premier, le cinéaste se filme en train de discuter avec ses parents. Entre la recette de la sauce tomate parfaite et les souvenirs de famille (les grands-parents qui débarquent de Sicile), il interroge ses origines italiennes avec humour et lucidité. D’autant plus que les parents n’hésitent pas à jouer le jeu, quitte à en faire un peu trop quand il s’agit de jouer au vieux couple grincheux, en désaccord sur tout mais tellement sympathique. American boy s’intéresse à Steven Price, ancien road manager de Neil Diamond, à travers une série d’anecdotes. A la fois amusant et terrifiant, le personnage s’y dévoile dans toute son ambiguïté et contraste singulièrement avec la bonne humeur domestique d’Italianamerican. Entre drogues et armes à feu, le garçon américain, vendeur d’armes dans Taxi driver, dévoile la face sombre des années 70. Un témoignage fascinant et terriblement cinégénique.

Le DVD

Les suppléments : Unique bonus de cette édition DVD, de courtes présentations (environ 5 minutes) qui précèdent chaque film. Michael Henry Wilson, auteur d’un ouvrage sur Scorsese, y donne quelques précieuses informations sur le contexte de création des œuvres et leurs signification (réelle ou présumée), sans pour autant raconter ce qui va suivre. Le résultat, concis et instructif, permet de mieux comprendre l’origine de ces films méconnus.

Image & son : La qualité d’image varie selon les films. Poussières, rayures et couleurs (un brin) délavées sont de rigueur. Mais, étant donné la rareté des films, tout droit sortis des limbes des années 60 et 70, le résultat est plutôt impressionnant. Mêmes remarques pour le son, qui ne souffre d’aucun défaut majeur. Bref, une édition de qualité qui ne déçoit en rien les attentes.