Le 10 décembre 2017
Entre politique et féminisme, le portrait tout en nuances d’une femme complexe confrontée à une réalité nationale et familiale trouble.
- Réalisateur : Marcela Said
- Acteurs : Alfredo Castro, Antonia Zegers, Rafael Spregelburd, Alejandro Sieveking
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Chilien
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Los perros
- Date de sortie : 13 décembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Mariana, quarante-deux ans, fait partie de cette haute bourgeoisie chilienne sûre de ses privilèges. Méprisée par son père et négligée par son mari, elle éprouve une étrange attirance envers son professeur d’équitation. Juan, un ex-colonel, suspecté d’exactions pendant la dictature. Cette liaison réprouvée va venir ébranler les murs invisibles qui protègent sa famille du passé.
Notre avis : Le propos de Marcela Said n’est pas de s’attarder sur la relation passionnelle entre un homme et une femme. Son intention est double : d’une part, décortiquer de l’intérieur les codes de ce milieu hermétique et machiste qu’est la bourgeoisie chilienne et d’autre part explorer de manière plus universelle la frontière ténue entre le bien et le mal jusqu’à nous réserver une subtile palette de personnages complexes. Après trois documentaires à connotation politique et un premier long-métrage en 2013 (L’été des poissons volants) où, au cœur de la dictature Pinochet, il est déjà question d’êtres humains à double personnalité, c’est sa rencontre avec Juan Morales Salgado, chef du centre de répression Simon Bolivar au temps de la dictature qui est à l’origine de Mariana, parcours d’une femme confortablement installée dans un cocon de luxe dont elle rêve de s’extirper sans parvenir à rompre totalement ses attaches.
A travers ses yeux, on découvre une haute société marquée à la fois par la violence et le déni de ses responsabilités concernant la dictature, et les crimes commis mais aussi par le peu de considération qu’elle accorde aux femmes. Mariana est manipulée par tous les hommes qui l’entourent. Son père, malgré tout l’amour qu’il lui porte ne la juge pas assez intelligente pour prendre la suite de ses affaires, son mari qui n’a rien d’un bourreau et avec qui elle mène une vie en apparence sereine, ne voit pourtant en elle que la future mère de ses enfants et exige qu’elle subisse un traitement contre la stérilité qu’elle tente en vain de refuser. Sa liaison avec ce colonel-bourreau, mâle autoritaire pourtant respectueux de sa personnalité et encore plus de sa féminité mais néanmoins déclaré infréquentable par son clan pour cause de participation à des exactions commises avec la complicité de ces classes dirigeantes qui ont soutenu Pinochet et se sont enrichies sous sa tutelle, provoque en elle un double électrochoc. Elle comprend qu’elle n’a toujours été que l’instrument des éléments masculins de son entourage et que ceux à qui elle a toujours voué amour et respect n’ont peut-être pas les mains aussi propres qu’ils le prétendent.
- Copyright Nour Films
Cette émancipation familiale et politique permet à Marcela Said de dresser le portrait attachant d’un personnage sur la brèche, incarné avec générosité par Antonia Zegers tour à tour fragile ou insolente, touchante ou intrigante qui écrase de son imprévisible énergie son partenaire Alfredo Castro, dont la capacité à passer sans encombres de l’ombre à la lumière force pourtant l’admiration.
S’appuyant sur des atmosphères de tension, de mystère soutenu par une musique aux sons languissants et d’images métaphoriques, la narration se fait discrète afin de valoriser le ressenti du spectateur pendant qu’une mise en scène épurée distille une violence sourde émanant des classes bien nées qui méprisent les militaires salis par les affaires, tout en fermant les yeux sur les origines de leurs passe-droits et de leur prospérité et transmet au spectateur tenu en haleine le sentiment d’une insécurité permanente. En choisissant d’attribuer finalement à son personnage principal un aspect plus servile qu’héroïque, la réalisatrice remplit avec panache la mission qu’elle s’est fixée : faire du cinéma non pas pour plaire mais pour faire réfléchir.
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