Le 16 octobre 2022


- Scénariste : Laurent-Frédéric Bollée >
- Dessinateur : Jeanne Puchol
- Genre : Biographie, Document, Drame, Roman graphique, Société
- Editeur : Casterman
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 5 octobre 2022
Une réédition qui tombe à pic, pour ne pas oublier...
Résumé : Ce soir du 5 décembre 1986, plusieurs personnes vont et viennent dans leurs routines ou leurs révoltes dans les quartiers de Paris. Parmi eux, un étudiant qui n’est pas à l’assemblée générale de son université mais qui subit la répression policière de plein fouet...
Critique : La mémoire est un édifice fragile qu’il est bon de consolider, et ce devoir, Jeanne Puchol et Laurent-Frédéric Bollée l’ont accompli en 2016 avec Contrecoups qui avait relaté la nuit qui ôta la vie à un innocent. Alors qu’une série sur Disney+ et qu’un film réalisé par Rachid Bouchareb devraient cimenter un peu plus le nom de Malik Oussekine, cette réédition tombe à pic pour découvrir ou redécouvrir un visage, un destin, une nuit. À travers de multiples points de vue, dont ceux de policiers, d’une légiste, de journalistes, d’une petite frappe et d’étudiants, c’est une époque qui renaît, avec ses relents, ses attentes et ses déceptions. L’espace de quelques heures, on se retrouve en compagnie de deux jeunes à l’amour naissant séparés par une charge de la police, aux commandes d’une moto de la brigade motocyclée véloce et hargneuse, mais aussi aux côtés d’un infirmier touchant qui n’hésite pas à passer la nuit au chevet d’une ancienne résistante, ou encore dans le réduit d’une laverie automatique, dans une lumière creuse et une heure crépusculaire. L’ensemble se joue d’une manière presque distante, car en enchaînant les regards et perspectives, on ne tombe plus que sur la vérité nue et cruelle, tel est le vertige que propose le duo d’auteur pour retranscrire une erreur judiciaire, le maquillage médiatique et politique qu’elle a entraîné, qui se trouve être avant tout un destin brisé, fauché, ce que le prologue montre d’ailleurs très bien avec sa galerie de Malik qui n’auront jamais existé.
© Casterman / Puchol
L’habillage en noir et blanc, prémisse d’une oraison funèbre à venir, est d’une justesse inouïe pour raconter, pour puiser au fond des êtres qui sont décrits, sans jamais donner une pensée, mais toujours permettant de les comprendre. Le cynisme des uns, le racisme des autres, l’empathie de beaucoup aussi, sont incarnés dans ces visages toujours en contraste, mais coulent aussi dans ces décors qui pleurent, dans ces lieux qui semblent moisir, morgue et locaux policiers, ministères et rues immaculées d’une blancheur qui n’empêche pas le lecteur d’y voir autre chose, d’y déceler le mensonge béant ou l’horreur dissimulée.
© Casterman / Puchol
Cette réédition se comprend car au moment où d’autres médias prennent à bras le corps la mémoire de cet homme, il est important de rappeler qu’un roman graphique avait déjà porté la plume dans la plaie.
208 pages – 19 €