Le 2 mai 2018
Fruit Chan signe une œuvre amère et brutale qui n’a rien perdu de sa vitalité.
- Réalisateur : Fruit Chan
- Acteurs : Sam Lee, Mok Siu Chung, Amy Tam
- Genre : Comédie, Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h40mn
- Reprise: 9 mai 2018
- Titre original : Heung Gong jai jo
- Date de sortie : 6 octobre 1999
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– Année de production : 1997
Résumé : Mi-Août est collecteur de dettes pour un certain M. Wing, proche des triades locales. Son quotidien va se trouver bouleversé par deux événements : la découverte par Jacky, petit voyou handicapé mental qu’il a pris sous son aile, de deux lettres d’adieux laissées par une jeune suicidée, et sa rencontre avec la jolie Ah Ping dont il tombe rapidement amoureux. Or cette dernière est atteinte d’une maladie incurable…
Notre avis : C’est un peu une histoire de fantômes : un mourant y raconte une histoire, la sienne, peuplée de cadavres (meurtre, suicide, maladie), une histoire brutale, sombre, dans les bas-fonds de Hong Kong juste avant qu’elle ne soit rétrocédée à la Chine (et l’adresse finale, pleine d’espoir en la jeunesse et signée Mao ne manque pas d’ironie…). Les petites frappes semblent y pulluler, faux durs comme le narrateur, Mi-Août, ou exécutants sans pitié. Dans la chambre du protagoniste, une affiche de Tueurs nés paraît indiquer la violence comme seule voie de sortie. Et de fait, Mi-Août va en faire preuve, se transformant en ange de la vengeance après avoir été poignardé et avoir perdu son ami Jacky, simple d’esprit, et sa copine Ah Ping, malade incurable. Mais sa violence est une réponse désespérée et nihiliste à la douleur. Puisqu’il n’a pas le « courage » de se suicider, reste à punir les auteurs du drame en des scènes sanglantes et âpres qui pourtant ne concluent pas tout à fait le film.
- © 1997 NICETOP INDEPENDENT LIMITED. Tous droits réservés.
Car Made in Hong Kong est aussi un film d’amour et de vitalité, d’énergie débordante : témoin cette belle séquence de course dans le cimetière, qui trouvera un écho mélancolique dans les derniers plans. Amour adolescent, donc un peu fou, mais menacé par les dettes, les bandes rivales ou la maladie ; si la tragédie est à peine évoquée (« tout est écrit »), elle imprègne bel et bien l’ensemble du métrage, faisant de quelques épisodes insouciants une forme de parenthèse dans un destin tout tracé. Non pas que Fruit Chan manifeste un goût pour le solennel, au contraire : son film regorge d’élan, et les personnages bougent beaucoup, bien que de nombreux plans de grilles ou de barrière disent assez l’impossibilité d’échapper à leur sort, condamnés qu’ils sont à fréquenter des lieux plutôt sordides ou, quand ils sont en plein air, un cimetière.
- © 1997 NICETOP INDEPENDENT LIMITED. Tous droits réservés.
Mais l’énergie est aussi celle, un peu folle, d’une mise en scène débridée, touchante parfois par sa naïveté qui fait se côtoyer arrêts sur image, ralentis, accélérés, cadrages soignés et maladroits, en un maelstrom composite et plein de vitalité. Pourtant le constat est amer : Hong Kong n’a rien d’une cité chatoyante et luxueuse ; les adolescents livrés à eux-mêmes (l’image des parents n’a rien de glorieux) paraissent déboussolés et témoins ou acteurs d’une violence omniprésente (voir la scène choquante de l’agression à la hache, qui semble appartenir à une autre histoire mais ressortit du même chaos). Dans leur monde agressif, l’innocence n’a pas cours ou alors, symboliquement sous une forme malade (la pure Ah Ping). Et même les enfants entrevus à la fin s’amusent de Mi-Août qu’ils croient morts.
- © 1997 NICETOP INDEPENDENT LIMITED. Tous droits réservés.
Rien de joyeux donc dans ce film souvent touchant, parfois brutal, qui bénéficie d’heureuses trouvailles comme les saignements de Jacky, les images fantomatiques de la suicidée ou le destin de ses deux lettres. Œuvre réalisée avec des bouts de ficelle, Made in Hong Kong a de l’ambition, une forme de culot, et touche par moments à la poésie et à la grâce. Même s’il est un peu long avec ses fins à tiroirs, si quelques naïvetés frôlent le ridicule, il reste, vingt ans après sa sortie, une expérience sensible et forte, portée par un désir véritable de cinéma.
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