Le 24 mai 2023
Une immersion sensible et sensorielle dans le quotidien de machtats, c’est-à-dire des chanteuses et danseuses traditionnelles de mariages en Tunisie. Sonia Ben Slama insuffle à ces héroïnes anonymes, un immense souffle d’humanité.
- Réalisateur : Sonia Ben Slama
- Acteurs : Fatma Khayat, Najeh Ghared, Waffeh Ghared
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Libanais, Tunisien, Qatari
- Durée : 1h22mn
- Plus d'informations : Le site de l’ACID
- Festival : Festival de Cannes 2023, ACID Cannes 2023
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– Festival de Cannes 2023 : ACID 2023
Résumé : Mahdia, Tunisie. Fatma et ses filles, Najeh et Waffeh, travaillent comme « machtat », musiciennes traditionnelles de mariage. Tandis que l’ainée, divorcée, tente de se remarier pour échapper à l’autorité de ses frères, la plus jeune cherche un moyen de se séparer de son mari violent.
Critique : Elles ont la voix éraillée des femmes qui ont beaucoup chanté, et que peut-être la vie a malmenées. Derrière ces visages nobles, il y a la beauté des enchanteresses qui jouent des musiques traditionnelles pendant les mariages, et les magiciennes du quotidien, qui, quand elles ne dansent ou ne jouent pas des instruments, élèvent leurs enfants au cœur d’une société tunisienne, meurtrie par la discrimination et la domination masculine. Le pire dans ce récit, c’est que ce sont ces mêmes femmes soumises à leur destin qui entonnent des musiques traditionnelles, au milieu de mariages multicolores où elles prient pour le bonheur des époux et la longévité des invités. Le paradoxe s’étend au fait qu’elles sont indispensables en tant que machtats à la perpétuation de la tradition dans la région de Sousse en Tunisie, et qu’elles survivent en même temps difficilement à leur condition de travailleuses pauvres.
- Copyright KHAMSIN FILMS
Sonia Ben Slama offre son troisième documentaire, après six années de silence. Elle propose une œuvre très écrite et élaborée, qui pourrait s’approcher d’une fiction. Deux figures narratives s’opposent : une femme amoureuse qui voudrait se marier et une autre, maltraitée, qui cherche à divorcer. Ces deux points de vue trouvent une unité grâce aux scènes de musique, aux mariages, qui forment des traits d’union au milieu de ces destins contrariés. Elles rêvent leur vie autant qu’elles la rejettent. La réalisatrice prend le parti de ne garder que le seul point de vue féminin. Les seuls hommes qu’on voit vraiment sont des enfants, voire des convives au mariage. L’enjeu est d’appréhender la réalité sensible de ces héroïnes du quotidien à travers des portraits filmés de très près, des maquillages au henné ou des préparations à la fête. La caméra est brute, entière, n’hésitant pas à brouiller les images et à regarder de très près ces femmes.
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Une très grande attention est portée par la réalisatrice à la photographie et à la lumière. En ce sens, le récit échappe à toute forme de misérabilisme ou de militantisme féministe. Les portraits hauts en couleur sont abordés dans deux univers opposés : le devant de la scène où les épouses pleurent d’émotion et le quotidien de mères, d’épouses, d’amoureuses ou de travailleuses. Le téléphone portable, la télévision plantée dans le mur sont autant d’objets qui contrastent avec le dénuement des demeures, les paysages désertiques ou agraires. La documentariste emprunte presque une forme de déni du travail d’artistes qu’elles mènent, au bénéfice d’échanges passionnés ou désespérés à propos de leur histoire. La caméra de Sonia Ben Slama sait appréhender le quotidien dans ce qu’il peut avoir de profondément romanesque.
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Machtat apparaît comme un film d’une grande force évocatrice. En à peine une heure vingt minutes, Sonia Ben Slama amène le spectateur dans le cœur contrasté d’une Tunisie qui adule ses chanteuses traditionnelles, et les confinent en même temps à la brutalité de leur condition féminine. Un peu comme cette scène très belle où l’on voit une jeune épouse, toute de blanc vêtue, où l’on ne sait pas si elle pleure du fait de l’émotion de ses noces ou de la peur que son existence ne devienne plus que celle d’une épouse, soumise et laborieuse.
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