Cours de lettres
Le 15 novembre 2017
Le premier long métrage en tant que réalisatrice de Sara Forestier est une romance sensible entre deux écorchés, qui vaut surtout pour l’interprétation émouvante de l’actrice.
- Réalisateur : Sara Forestier
- Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Sara Forestier, Redouane Harjane, Liv Andren
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 15 novembre 2017
- Festival : Festival de Venise 2017
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Résumé : Mo est un beau brun ténébreux, charismatique, qui a le goût de l’adrénaline. Lors de courses clandestines, il rencontre Lila, jeune fille bègue et timide, et c’est le coup de foudre. Il va immédiatement la prendre sous son aile. Mais Lila est loin d’imaginer que Mo porte un secret : il ne sait pas lire.
Notre avis : Après deux courts et un moyen métrage, l’actrice Sara Forestier livre un premier long-métrage qui semble représenter pour elle un récit personnel et intime. Elle s’est donné le premier rôle d’une ado (ce que lui permet un physique toujours juvénile). Et en interprétant une bachelière bègue, elle s’est également lancé un défi en tant que comédienne, celui de rendre crédible son trouble de la parole. Le rôle de son amant est confié à l’humoriste Redouanne Harjane, dont les prestations sur grand écran n’étaient jusque-là que des anecdotes peu étincelantes. Et pourtant, à eux deux, ils forment un couple de cinéma plein d’ardeur, réunissant une adolescente complexée et hypersensible et un beau marginal amateur de grosses cylindrées. Le schéma classique de l’amour impossible entre deux êtres que tout semble opposer est parfaitement respecté dans la bluette que vivent les deux tourtereaux. Au-delà de la seule naïveté de ce postulat de comédie romantique pour midinettes, Sara Forestier a tenu à ce que les sentiments des deux protagonistes soient mis au profit d’un ton dramatique et d’une morale humaniste.
- ©Chifoumi-Productions
Malgré la platitude de sa mise en scène, très inspirée du travail de Kechiche, l’actrice-réalisatrice brille avant tout par l’interprétation qu’elle donne à la jeune Lila. L’émouvante fragilité qu’elle lui apporte se ressent en particulier dans son drame d’être incapable de s’exprimer, tant dans le cadre de sa propre famille (vis-à-vis d’un père odieux sublimé par ce vieux roublard de Jean-Pierre Léaud, toujours là où on ne l’attend pas), que dans le cadre scolaire où elle n’ose pas assumer son bégaiement. Ce petit bout de femme dégage une telle sensibilité que le charme viril de Mo à ses côtés apparaît comme plus éblouissant encore, mais aussi comme une nouvelle épreuve dans sa difficulté à formuler ce qu’elle ressent. Le nœud émotionnel du film est justement là, dans la façon dont le coup de foudre des deux amoureux va peu à peu les mener à se libérer de leur incommunicabilité respective. Celle qui était dans un premier temps muette va commencer à parler sans plus d’encombre que buter sur quelques voyelles, tandis qu’il va essayer, du haut de ses trente ans, d’apprendre à lire, sans l’assumer pour autant. Un apprentissage syntaxique dont va d’ailleurs naître la scène la plus drôle du film, entre Mo et la petite sœur de Lila, interprétée par la truculente Liv Andren qui, du haut de ses huit ans, vole systématiquement la vedette à ses partenaires.
- ©Chifoumi Productions
L’amour comme solution à tous les handicaps sociaux : la solution peut à priori paraître puérile, mais Sara Forestier prend soin à ce que la tendresse de leur idylle n’occulte pas un cadre dramatique omniprésent. Les conflits familiaux qu’ils affrontent tous les deux mais aussi la tension du bac pour elle et l’intégration professionnelle pour lui, sont autant de défis qui ne feront que les renvoyer à leur comportement de défense respectif : le mutisme pour elle, la violence pour lui. Là où le film devient émotionnellement passionnant c’est justement dans les moments où il rappelle que l’amour ne peut pas tout résoudre, et surtout pas l’émancipation d’individus mal dans leur peau et qui se sont longtemps repliés sur eux-mêmes, dans leur asociabilité. Le film n’est cependant pas exempt des défauts propres à de telles histoires d’amour, à savoir la candeur avec laquelle est amené le coup de foudre et la volonté de le mener vers un happy end y compris pour les sous-intrigues. Sans parler du générique de fin signé par Christophe dont la ringardise vient à contre-pied de l’énergie des deux brillants jeunes acteurs qui donnent corps à cette romance intemporelle.
- ©Chifoumi Productions
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