Le 10 juillet 2018
Qui l’eut cru que l’univers Marvel Netflix quitterait le fond du trou grâce à la saison 2 de Luke Cage ? Certainement pas nous. Et pourtant...
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- Acteurs : Alfre Woodard, Mike Colter, Simone Missick, Théo Rossi
- Genre : Fantastique, Action
- Nationalité : Américain
- Chaîne de TV : Netflix
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– Diffusion sur Netflix : à partir du 26 juin 2018
Résumé : Transformé en colosse surpuissant à la peau impénétrable après avoir été le cobaye d’une expérience sabotée, Luke Cage s’enfuit et tente de recommencer à zéro dans le Harlem d’aujourd’hui, à New York. Bientôt tiré de l’ombre, il va devoir se battre pour le cœur de sa ville dans un combat qui l’oblige à affronter un passé qu’il espérait avoir enterré.
Notre avis : Le peu d’envie de continuer à croire en la réussite du Marvel Netflix Universe s’était envolé avec la saison 2 nullissime de Jessica Jones, alors que The Punisher avait légèrement ravivé la flamme de l’espoir. De l’espoir, on n’en avait donc plus tellement, le service de streaming réitérant inlassablement les mêmes tares et le même culte de la médiocrité scénaristique au fil des aventures de ses héros moins charismatiques que Yann Barthès. Face à la déception représentée par la saison 1, ce n’est sûrement pas du côté de Luke Cage qu’était attendu la possible rédemption pour cet univers. Bien mal nous en a pris de penser que la série sur Harlem était vouée à l’échec tant les rails sur lesquels elle avançait (très doucement) étaient en toc. Sans faire complètement table rase du passé, cette saison 2 repart sur une nouvelle approche bien plus judicieuse et intéressante. Au lieu de constamment justifier de sa légitimité pour poser son action dans un quartier afro-américain et pour s’adresser directement à un public afro-américain, Luke Cage aborde plus sereinement la richesse de la culture de cette communauté et de ce quartier. Il ne s’agit plus pour la série d’aligner de manière stéréotypée les traits de caractères "harlemiens" mais d’avant tout raconter son histoire dans une ambiance qui respire mieux l’authenticité et l’honnêteté. Les auteurs comprennent enfin que pour situer leur histoire dans un ghetto, il n’est pas obligatoire de forcer le trait sur le basket-ball et sur le rap, mais qu’il s’agit avant tout de faire un travail de fond pour en comprendre l’esprit. Harlem raconté du point de vue de quelqu’un qui y vit, et non plus du point de vue de quelqu’un qui le découvre, la différence peut sembler subtile à l’écrit, mais flagrante à l’image.
- Copyright : Netflix
Si cette tendance de forceur se perd pour personnifier Harlem, elle ne disparaît cependant pas totalement puisqu’elle se déporte vers la communauté jamaïcaine, dont est issu Bushmaster, le grand méchant de cette saison. La playlist rap à l’ancienne on-connaît-nos-classiques-t’as-vu partage donc son temps de présence avec une playlist reggae pour une image de la Jamaïque véhiculée sans bousculer quoi que ce soit, malgré un attachement aux traditions et à la famille très bien restitué. Pour autant Luke Cage absorbe bien mieux son cahier des charges. La mise en scène s’approprie son répertoire musical pour développer des séquences avec un souffle, une portée toute autre que ce à quoi nous avait habitué le Marvel Netlix Universe. La chaleur du reggae habille des séquences dramatiques sulfureuses quand, à l’instar de la saison 1, les morceaux de rap habillent parfaitement les quelques trop rares scènes d’action de ces 13 épisodes. Une nouvelle fois la série de super-héros ne tire pas son épingle du jeu par son grand dynamisme. Influencée par le côté absurde (voire nanardesque) et over the top de la Blaxploitation, elle s’amuse du pouvoir de son protagoniste pour créer un décalage humoristique parfois réussi, mais au détriment du danger physique ressenti pour le colosse de Harlem.
- Copyright : Netflix
Cette fois-ci cependant, le showrunner Cheo Hodari Coker a développé des enjeux pour contrebalancer son invincibilité, et ce avec une certaine intelligence insoupçonnée (on ne dit pas que les auteurs sont crétins, mais jusqu’ici personne n’avait brillé par son talent d’écriture). Sûrement la plus grande raison pour laquelle cette saison de Luke Cage est la plus réussie de tout l’univers Marvel de Netflix (oui oui), les personnages prennent enfin de l’ampleur et cessent de stagner au niveau de fadeur habituel inhérent à ces séries. De ce fait le spectateur se sent bien plus concerné par ce qu’il voit et peut mieux supporter les longueurs qui jalonnent cette saison à cause d’une sempiternelle sur-dialoguisation, surlignant ce qu’il est inutile de surligner. Il ne s’agit plus ici pour l’homme pare-balles d’éviter la défaite personnelle - même si la série continue de nous faire croire qu’il peut mourir par un gars aussi fort que lui, au moins c’est plus réussi que les balles kryptoniennes bidons de la saison 1 – mais d’éviter la perte de Harlem et des gens qu’il affectionne. Ce sacrifice pour son quartier donne tout son sens aux dernières minutes, ouvrant une nouvelle porte comme Luke peut ouvrir l’espace entre un salon et une cuisine, sans subtilité, sans forcément prévenir, mais avec force. L’énorme référence au Parrain donne à sourire par son évidence, mais le fond dénote avec le happy end ou cliffhanger du type présentation du prochain bad guy que les univers étendus nous offrent continuellement. Désormais, il y a fort à parier que le prochain méchant de Luke Cage ne sera ni plus ni moins que Luke Cage lui-même.
- Copyright : Netflix
Différentes sans vraiment l’être, la série et la belle surprise Black Panther résonnent pareillement dans les esprits par leur figure d’outsider assez unique dans leur univers respectif, alors que Marvel, aussi bien chez Netflix que chez Disney, subit le formatage par une écriture lissée de quasiment tous les héros auxquels ils touchent. Fine comme une droite de Luke Cage, la manière d’amener le personnage vers le chemin sinueux d’une remise en question fonctionne malgré tout grâce à l’impact laissé par une justesse dramatique globale. Gardant les événements de la saison 1 pour raconter sa saison 2, la série réoriente cependant la psychologie de certains personnages pour se permettre d’avancer dans cette recherche de l’ambiguïté chez ses personnages. Que ce soit par une part d’ombre ou par une part de lumière, Luke Cage ajoute une strate de complexité aux protagonistes importants de ce combat pour Harlem afin d’en réduire la binarité du combat du bien contre le mal. Cela se remarque lorsque Luke Cage se retrouve à combattre Bushmaster pour sauver Mariah, alors que quelques épisodes suivants une jouissive séquence d’action sur du Shame on a Nigga unit le personnage principal et son alter ego jamaïcain contre un même gang.
- Copyright : Netflix
Comme Black Panther, la place des antagonistes se révèle donc indispensable à la création de ces relations passionnantes, même s’il faut se farcir le cabotinage en roue libre d’Alfre Woodard. L’excès habite une nouvelle fois cette galerie de "méchants", Bushmaster avec sa grande gueule, Mariah plus hystérique que Jok’Air pendant son interview promo à sa gloire et Shades avec son mental plus torturé que Juice dans Sons of Anarchy. Totalement réécrit pour l’occasion, l’esprit du personnage incarné par Theo Rossi (Juice, enfin Shades... enfin on s’en fout, ce sont les mêmes de toute façon), casse totalement avec celui présenté dans la saison 1, symbole d’une césure générale inscrite dans la continuité. Pour rebondir, il fallait à Luke Cage une toile plus tendue que celle bien molle de sa première saison. Comme une impression d’avoir assister au reboot de personnages en cours d’histoire, mais on ne va clairement pas cracher dans la soupe.
- Copyright : Netflix