Jours de fête
Le 4 février 2003
A mi-chemin entre Tati et Buñuel, un second film engagé et poétique.
- Réalisateur : Mariano Torres Manzur
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Argentin
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– Durée : 1h30mn
Second long métrage du jeune Argentin Mariano Torres Manzur, Los Porfiados (Les acharnés) a obtenu le prix du meilleur film au dernier Festival du cinéma indépendant de Barcelone. Soutenu par un superbe noir et blanc, dépouillé de tout artifice, l’auteur évoque les dérives du combat collectif.
Dans un faubourg d’une ville argentine, Dino lutte contre l’ennui en créant un groupuscule anarchisant. Un militaire au chômage, un vieil anar, un joueur rejeté par sa femme et une jeune Française forment cet improbable commando terroriste. Un aiguiseur de couteau adhère au groupe pensant tromper son désespoir. Ce huis clos servira de révélateur à chacun d’eux.
A mi-chemin entre Tati et Buñuel, ce film paraît être une réponse au chef-d’œuvre du cinéaste espagnol : L’âge d’or. Dans ce manifeste surréaliste, le passage du pessimisme à l’action était déterminé par l’amour fou. Pour Mariano Torres Manzur, cette transition est le fruit du désespoir. Mais chez ses protagonistes, la désespérance amène le mensonge. Leur lutte n’est qu’un jeu dont les règles ne sont pas posées. Prônant l’anarchie, ils vivent dans le désordre, transformant la lutte collective en règlement de compte individuel. Le désir de révolte des surréalistes, illustré par Buñuel, s’est changé en parodie d’humanisme où l’amour et l’amitié perdent leur pouvoir. Plus qu’un pamphlet épinglant l’action collective, le film stigmatise la manière dont une partie de notre société, abandonnée dans la précarité, peut pervertir les valeurs ancestrales en confondant le "nous" et le "je". Le langage est important, mais il est à manier avec précaution. Dino est l’exemple du théoricien malhonnête, qui se joue de la crédulité humaine dans le seul but d’atteindre ses objectifs. En l’occurrence, il ne pense pas à mal, mais sa légèreté transforme l’espoir en désespoir.
Le propos du film pourrait être fastidieux s’il ne s’illuminait par moment de la poésie des films de Jacques Tati. Un des personnages est d’ailleurs un presque sosie du postier de Jour de fête, mais il est une nouvelle fois perverti par son univers. La naïveté, l’altruisme font ici place au cynisme.
Mariano Torres Manzur signe là une oeuvre désespérée. Le ton n’est pourtant pas sombre, l’aspect ludique et comique l’emporte. Peut-être parce qu’il prend une distance radicale, faisant le choix de se mettre du côté du règne animal, filmant par exemple ses protagonistes du point de vue d’une chèvre. Perché sur son toit, elle observe, amusée et critique, l’humanité qui l’entoure. Si le parallèle entre l’homme et l’animal est trop répétitif et simpliste pour être pertinent, il donne aux six personnages des airs des gentils cambrioleurs du Pigeon de Monicelli, la cruauté en plus.
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