Le 22 décembre 2020
- Avertissement : Interdit aux moins de 18 ans
- Scénariste : Martes Bathori>
- Dessinateur : Martes Bathori
- Editeur : THE HOOCHIE COOCHIE
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 5 octobre 2020
- Plus d'informations : https://www.thehoochiecoochie.com/c...
Un nouveau chapitre édifiant de l’utopie porcine de Martes Bathori.
Résumé : Il y a quinze ans de cela, des porcs génétiquement modifiés ont pris le dessus sur l’humanité jusqu’à conquérir le monde et réduire l’homme à l’esclavage. À New York, Lola Becker et son pianiste Norbert, deux anthropiens, tentent de survivre en chantant dans des rades miteux, sous la direction de leur impresario Salami Menschfresser. Ce dernier, qui comprend que les charmes de Lola de laissent pas de marbre la gent porcine, décide de se servir de la plastique de la chanteuse pour améliorer leur quotidien. Cette dernière jouera avec bonheur de ses attributs et de la soif sexuelle insatiable des porcs pour monter les échelons de l’entreprise cinématographique porcine et devenir la star de la nouvelle superproduction de la Hamprod.
Avec Hamgrad, Utopia Porcina (Requins Marteaux), Martes Bathori commença en 2005 l’édification d’une des dystopies les plus originales et étonnantes de la bande dessinée. De livre en livre, il approfondit cette fable porcine en explorant à chaque fois une nouvelle facette d’un tel bouleversement. Après avoir frémi en comprenant le funeste sort réservé aux anthropiens (rendues en nourriture pour les porcs), nous découvrons ici la difficile lutte sociale qui règne dans cet univers inversé. La trame narrative se rapproche alors de récits historiques narrant les années d’occupation nazie, et l’on pense notamment au Dernier métro de Truffaut, l’outrance en plus.
En effet, cet ouvrage aurait originellement dû être publié dans la collection BDCul des Requins marteaux, mais par on ne sait quelles circonstances humaines ou éditoriales, c’est finalement The Hoochie Coochie qui porte l’éten-dard de ce récit nimbé de pornographie. Les scènes de fornication s’enchainent et les différents coïts inter-espèces donnent une impression étrange, quelque peu malaisante, qui confère son sel à cet album. Les représentations sont hard, frontales, comme dérivées de quelques films cochons. Si l’érotisme et l’outrance sont présents dans les différents épisodes de cette série, jamais ils ne furent si prééminents, si omniprésents et centraux dans le récit. Nous retrouvons ainsi un certain gout de l’obscène qui s’exprimait déjà dans le magnifique Yakuza Shunga, publié chez The Hoochie Coochie, dans lequel l’auteur reprenait l’imagerie érotique ou clairement pornographique des Shunga japonais. La déviance des images adhère particulièrement bien à l’humour et à la légèreté de ton du récit. Une belle finesse d’écriture se déploie ainsi au milieu de ces fornications, et la construction narrative de l’histoire est particulièrement remarquable. Ainsi, l’auteur ne s’arrête pas au plaisir de la déviance ou de l’incongruité des situations mais construit un nouveau chapitre édifiant de sa grande fresque, qui ne serait rien sans la force graphique que démontre Martes Bathori pour chaque ouvrage.
Martes Bathori / The Hoochie Coochie
S’il avait commencé ces aventures avec des crayons de couleur, il troc ici les mines pour un travail à la plume rehaussé d’un très important travail de trames colorées, comme il a déjà pu le faire dans des ouvrages plus récents (nous pensons à Sickman par exemple, ou Hamgrad 2035 : Karaganda). Usant d’une bichromie de rouge et de vert, il réalise des planches particulièrement denses et dynamiques, comme si le monde était passé par le tamis d’une ambition picturale hégémonique, à l’image du travail sur la typographie : lisible, compréhensible, mais parcourue par des mots plus difficiles à déchiffrer, car empruntant un dessin moins régulier et des intentions plus « graphiques », davantage visuelles. Une forme de dualité se joue ainsi dans l’image, entre leur désir narratif, de transmettre le récit (ce qu’elles font remarquablement), et leur plasticité qui se porte dessus, presque ornementale, qui intrigue davantage l’œil et entraine le récit dans une atmosphère singulière. Expérimental, excessif, foncièrement beau et dérangeant, ce nouvel album est une brillante réussite, un nouveau bijou portant la signature de Marte Bathori.
Martes Bathori / The Hoochie Coochie
À cet album répond un second composé de dessins, Utopia Forever publié chez Ion, qui étend encore l’univers et le travail plastiques de l’auteur. On y découvre des affiches et illustrations reprenant des moments clefs de Lola, reine des porcs, et le livre se perçoit alors comme un écho, une manière de redécouvrir des images et scènes marquantes à travers une graphie différente, une identité visuelle remodelée. Une publication indispensable pour qui voudrait prolonger l’expérience et découvrir d’autres aspects de la palette stylistique de l’auteur, et vous pourrez vous le procurer en cliquant ici.
Utopia Forever / Martes Bathori / Ion Edition
144 pages - 20 €
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Galerie photos
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