Le 13 octobre 2021
En revenant sur les traces algériennes de ses grands-parents, Lina Soualem livre un témoignage universel et touchant sur l’exil.


- Réalisateur : Lina Soualem
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h12mn
- Date de sortie : 13 octobre 2021
- Festival : 16e édition festival Arabesques, Festival international film Créteil et Val de Marne, 43e CineMed, Visions Réel 2020, Elgouna Film Festival 2020

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Résumé : Après soixante-deux ans de mariage, les grands-parents de Lina, Aïcha et Mabrouk, ont décidé de se séparer. Ensemble ils étaient venus d’Algérie en Auvergne, à Thiers, il y a plus de soixante ans. Pour Lina, leur séparation est l’occasion de questionner leur long voyage d’exil et leur silence.
Critique : Après quelques apparitions cinématographiques, dans Héritage, puis Tu mérites un amour, Lina Soualem, la fille de Hiam Abbas et Zinedine Soualem, se consacre à l’étude des sociétés arabes contemporaines. A la faveur d’un voyage d’études en Algérie, organisé par son professeur d’histoire, elle prend conscience que, si elle a une bonne connaissance du pays dans sa globalité, elle ignore tout de l’histoire de ses grands-parents paternels algériens arrivés en France dans les années 50. Cinéaste dans l’âme, voilà que germe en elle l’idée de leur consacrer un documentaire, d’autant qu’à cause de leur séparation et de leur âge avancé, elle craint une disparition imminente d’un pan du patrimoine culturel familial.
Elle tente tout d’abord de percer le mystère de l’union de ces deux personnages si totalement opposés. D’un côté Aïcha l’expansive, de l’autre Mabrouk le taciturne qui ont cependant en commun de peiner, par manque d’habitude ou par pudeur, à exprimer leurs sentiments, l’une se cachant sous des fous rires subits, l’autre se réfugiant dans le silence. Les entretiens menés en toute simplicité dans la cuisine finissent pourtant par laisser filtrer quelques bribes d’un passé douloureux, un zeste de rancune et de belles flambées d’émotion.
- Copyright JHR Films
Issus de la région agricole de Sétif, ils y laissent leurs racines et souvenirs pour pallier au manque criant de main-d’œuvre dont souffre alors la France d’après-guerre. Ils sont venus sans rien, persuadés que le pays qui les a colonisés il y a déjà plus de cent ans les renverra bien vite dans leurs contrées et ont toujours élevé leurs enfants dans l’espoir du retour. L’irruption de la guerre d’indépendance rebat les cartes, la grande Histoire balayant leur petite histoire personnelle. Moins bien considérés et moins payés que les Français, ils ont appris à se fondre dans la masse. Après avoir fait toute une carrière ici, impossible de repartir, à cause du « social », affirme Mabrouk, quelque peu désabusé.
- Copyright JHR Films
Entre nostalgie et amertume, Mabrouk nous entraîne au milieu des restes fantomatiques et majestueux de l’usine de coutellerie de Thiers : un univers de métal, témoin de cette existence de résignation et de labeur. Son horloge, sa roue à aubes et sa cascade apportent une respiration dans ce récit ténu qui peu à peu dévoile les fêlures et les regrets tout autant que les joies et les espoirs d’un parcours difficile qui n’offrit en guise de retour au pays que quelques allers et retours pour accompagner des proches à leur dernière demeure.
Compilant avec astuce photos des aïeux, films de famille et archives historiques, la réalisatrice reconstitue, entre discussions décontractées et moments poignants, la puissance d’un destin collectif par le prisme d’une trajectoire individuelle. La découverte par la réalisatrice du territoire de ses ancêtres suggère l’apaisement de la première génération face à cette terre qui leur a été arrachée et l’appropriation par la dernière génération de ce morceau d’histoire familiale dont elle a été privée, parsemant ce documentaire d’arômes de paix et de réconciliation.