Le 28 février 2024
Derrière ce récit autobiographique à partir des confessions familiales de sa mère, l’actrice Hiam Abbass, c’est toute l’histoire de la confiscation de terres palestiniennes par les autorités israéliennes qui résonne dans les mots de Lina Soualem. Un documentaire autant poignant qu’emprunt de dignité.
- Réalisateur : Lina Soualem
- Acteur : Hiam Abbass
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Belge, Palestinien, Qatari
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h22mn
- Titre original : Bye bye Tiberias
- Date de sortie : 21 février 2024
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Résumé : Hiam Abbass a quitté son village palestinien pour réaliser son rêve de devenir actrice en Europe, laissant derrière elle sa mère, sa grand-mère et ses sept sœurs. Trente ans plus tard, sa fille Lina, réalisatrice, retourne avec elle sur les traces des lieux disparus et des mémoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. Véritable tissage d’images du présent et d’archives familiales et historiques, le film devient l’exploration de la transmission de mémoire, de lieux, de féminité, de résistance, dans la vie de femmes qui ont appris à tout quitter et à tout recommencer.
Critique : Hiam Abbass collectionne une série impressionnante de films qu’elle a tournés en tant qu’actrice. Pourtant, elle est née à Nazareth et a fui la Palestine pour la France, se retrouvant dans une situation d’exil terrible où, à la fois, elle devait faire le deuil de sa famille, de son pays d’origine, et trouver sa place dans le monde prisé du cinéma et du théâtre parisien. Ce n’est pas tant le récit de sa brillante carrière qu’elle raconte à sa fille, Lina Soualem, que celle d’une famille hantée par l’évacuation forcée de leur maison par les forces israéliennes pendant la Seconde Guerre mondiale. La jeune femme qui la filme est née à Paris, a vécu en dehors de ce traumatisme profond ; et pourtant, à travers ce documentaire, elle remonte jusqu’aux racines du désespoir d’une famille, la sienne, qui a su se relever et se reconstruire.
- Copyright Collection Lina Soualem
Bye Bye Tibériade pourrait venir s’ajouter aux multiples films autobiographiques qui habitent le cinéma français depuis une dizaine d’années. En réalité, la réalisatrice offre un langage, une vision absolument personnels et esthétiques qui tranchent avec un discours autocentré et ennuyeux. Sa mère, Hiam, habite l’écran avec une grâce et une sincérité magnifiques. Elle se livre à la caméra, sans fard, ni excès, partageant avec sa fille et de surcroît les spectateurs, la cruauté de la mort de sa grand-mère et de sa mère, ainsi que les joies des retrouvailles avec ses sœurs ou une tante. Pour autant, nous ne situons pas dans une parole narcissique. Ce récit familial est sans doute celui de très nombreuses familles arabes qui ont perdu leur demeure, leur terre, leur appartenance à un territoire, et traînent non sans une certaine aigreur, cet héritage douloureux. En ce sens, le film porte un témoignage universel, détaché de tout discours politique, où tant les Palestiniens ou des Israéliens pourront trouver un écho à une Histoire dont ils ne sont en aucun cas responsables aujourd’hui. Lina Soualem ne juge pas : elle filme une femme, sa mère ; elle réunit des morceaux d’archives, qui disent quelque chose de la perte d’identité des familles expulsées en leur temps par les colons.
- Copyright Collection Lina Soualem
Bye Bye Tibériade commence et se termine près du lac de Tibériade. Le choix de ce symbole d’un territoire convoité par la Syrie, les Arabes ayant évidemment été chassés de chez eux et les juifs, témoigne aussi d’une volonté d’apaisement de la situation israélo-palestinienne. La cinéaste filme la très grande douceur de l’eau, comme un lieu qui a vu des enfants palestiniens grandir et verra d’autres générations s’épanouir. Lina Soualem se revendique parisienne, Hiam Abbass se définit dans la rupture avec son passé : autant de positionnements qui refusent la radicalité politique. Le film ouvre des possibles à travers le témoignage intime, puissant, d’une famille habitée par l’histoire d’une rupture fondamentale.
Voilà donc encore un film qui témoigne de la vitalité du documentaire sur les écrans français depuis une dizaine d’années. Bye Bye Tibériade est une œuvre qu’il faut regarder avant tout pour la poésie qu’elle dégage.
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