Cachez ce sein que je ne saurais voir !
Le 6 février 2010
Bien que maladroit dans sa forme, Les travailleu(r)ses du sexe demeure un documentaire estimable pour une perception humaine et solidaire de la prostitution et en stopper la stigmatisation.
- Réalisateur : Jean-Michel Carré
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Belge
- Date de sortie : 3 février 2010
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– Durée : 1h25mn
Bien que maladroit dans sa forme, Les travailleu(r)ses du sexe demeure un documentaire estimable pour une perception humaine et solidaire de la prostitution et en stopper la stigmatisation.
L’argument : En France, depuis la loi Sarkozy de 2003 sur le racolage passif, des femmes et des hommes revendiquent le droit de pouvoir louer librement leur corps alors même que l’économie du marché utilise une pseudo libération sexuelle pour justifier la légalisation de la marchandisation de l’intime. Paroles et pratiques dérangeantes, stigmatisées par des jugements moralisateurs, qui nous questionnent sur les rapports hommes / femmes, la sexualité et son contrôle par le pouvoir.
Notre avis : D’entrée de jeu, la distinction est faite : Les travailleu(r)ses du sexe n’évoque que les prostitué(e)s volontaires, dont la condition relève d’un choix. Exit donc les réseaux mafieux et les macs. Ce documentaire se construit autour de témoignages de personnalités fortes qui détaillent leur mode de vie. Tous admettent qu’ils sont hors de la société, si tant est qu’il faille définir des normes... Mais la marginalisation est bien réelle car les prostitué(e)s sont victimes d’un mépris généralisé et ne peuvent prétendre, par exemple, à des prestations sociales. Ce long-métrage met ainsi en lumière une tranche de la population exclue et mal perçue.
Puisque l’idée centrale est de démontrer qu’il peut exister une « prostitution voulue » (terme fréquemment employé) et assumée, il est regrettable que la question de ce choix de vie plutôt qu’un autre n’ait pas été posée. Surtout lorsque certaines femmes reconnaissent « qu’aucune petite fille de dix ans ne rêve de faire ce métier » ou encore que « ce métier est horrible lorsque l’on ne l’a pas choisi ». Des propos parmi d’autres qui laissent entendre que ce choix a pu s’imposer par la force des choses dans la vie de certain(e)s, mais également que, même souhaité, ce métier peut faire souffrir. Or, il semblerait que le réalisateur souhaite à tout prix cacher cet aspect-là - peut-être pour éviter le développement de considérations péjoratives et négatives déjà inscrites et circulant dans la société.
Le sujet de Les travailleu(r)ses du sexe est ainsi mal délimité : le film s’ouvre sur des performances dans un club de strip-tease, enchaîne avec une visite du salon du film X, continue avec de nombreux témoignages, interrompus par une intrusion dans une maison close. A cela, vient se greffer un discours sociologisant sur une société ultra-sexualisée où l’augmentation de la consommation des films X et la surenchère des clips sexy justifieraient ces métiers. Mais, il ne va pas jusqu’au bout de son idée et sa démonstration s’arrête là, ne faisant finalement qu’évoquer sans développer les autres travailleu(r)ses du sexe ! Un peu juste pour un questionnement sociétal qui se voudrait analytique.
Toute l’attention de Jean-Michel Carré - et c’est le véritable sujet de Les travailleu(r)ses du sexe - se concentre sur les prostitués, ces hommes et femmes qui se cachent parce qu’ils n’exercent pas une activité « respectable ». On découvre des personnalités touchantes comme ce jeune travesti SM, qui mène de front plusieurs activités en les dissociant les unes des autres pour se trouver lui-même, ou encore Sonia, mère de famille. Textes de loi et études sociologiques à l’appui, tous les témoins démontrent que cette déconsidération totale nuit à leur dignité et leur fait risquer leur vie. C’est là où le réalisateur est particulièrement pertinent car, tout à coup, il ne s’agit plus d’un groupe, les prostitué(e)s, mais d’individus définis dont la prostitution fait partie de leur vie mais ne les définit pas, comme n’importe quel autre métier. Il leur donne une unité propre et parvient à démontrer sans apitoyer qu’il est inhumain de laisser au ban de la société des populations sous prétexte qu’elles sont hors des normes communément acquises.
Les travailleu(r)ses du sexe est finalement un film sur le racisme ordinaire et les discriminations à l’encontre de cette communauté. Dans une société où l’on peut s’exposer impudiquement sur la première chaîne que nous ne citerons pas pour un quart d’heure vulgaire de célébrité, mais où l’on se choque lorsque le commerce du corps n’est pas hypocritement dissimulé, la réduction à l’état de produit de consommation déshumanisé des prostitués se révèle être surtout le fruit d’idées reçues depuis bien trop longtemps. Parce que derrière les sexes et les seins, il y a des individus conscients et engagés, Jean-Michel Carré offre et partage un regard compatissant et solidaire sur ces populations. Enfin.
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