Les Taxis de la Marne – Septembre 1914 : Quand la France devait perdre la guerre - la chronique BD

Résumé  :
Les hostilités ont démarré entre la France et l’Allemagne, mais alors que les Allemands font une percée vers Paris, - d’autant que la défense Française menée par le généralissime Joffre ne semble pas porter ses fruits -, le général Gallieni est appelé pour défendre la capitale. saura-t-il avoir raison des tensions internes et sauver Paris ?

Notre avis :
Les Taxis de la Marne nous replonge dans les premières heures de la Guerre de 14-18. Au-delà des livres d’histoire, c’est une version différente que nous livre Jean-Yves Le Naour, redonnant au Général Gallieni la place qu’il mérite. Le généralissime Joffre nous apparaît comme un orgueilleux personnage qui prétend contrôler une situation qui lui échappe. Pour quelles raisons ? Cela, nous ne le saurons pas. Mais l’image de cette figure Historique s’assombrit un peu plus, surtout si vous avez déjà lu La Faute Au Midi également écrit par Le Naour. Sur ce point, Les Taxis de la Marne est une réussite car cette BD démonte habilement tous les rouages qui ont amené à cette bataille de la Marne, qui posa le front pour les années suivantes.

Ce qui manque à nos yeux, c’est l’émotion. Les faits s’enchaînent, on découvre les personnages historiques qui ont écrit cette page d’histoire, qu’ils soient Français ou Allemands. Mais justement, les faits s’enchaînent sans que l’émotion nous saisisse. Nous voyons défiler ces décisions en sachant comment les choses vont finir, sans rentrer vraiment dans le cœur des personnages. Leurs doutes, leurs angoisses, nous les frôlons sans vraiment les sentir. C’est dommage car le récit est vraiment intéressant sans toutefois être passionnant. Le moment le plus émouvant repose sur ces images de Joffre confronté à un choix qu’il désapprouve – combattre sur la Marne alors qu’il voulait livrer bataille plus tard sur la Seine – et qui réfléchit sur la décision à prendre. Ces cases silencieuses du généralissime plongé dans ses plans et le revirement qu’il prend, on y sent la colère et la résignation.

A côté de cela, les Taxis du titre constituent la fin de l’histoire et c’est plus la série de choix qui a amené à cet épisode du conflit qui nous est raconté, que vraiment ce trajet de Paris vers la Marne. Du coup, on reste presque sur sa faim tant on attendait de les voir arriver.
Le reste de la BD comporte bien quelques moments de silence, de visages expressifs, comme la rencontre entre Joffre et le maréchal French, qui pose avec réussite un peu d’humour. Mais ces moments manquent et c’est regrettable. A la différence de La Mort Vous Attend à Sarajevo , où l’on suivait François Ferdinand auquel Le Naour nous attachait avec brio.
La BD est complété d’un livret de huit pages, qui relate les faits historiques. Il nous montre combien le scénario tient la route car on a l’impression d’en relire un résumé. Ce qui aurait tendance à confirmer, à notre avis, qu’il manque un souffle d’émotion dans ce one-shot. Le cahier est illustré de photos d’époque et également de dessins de Plumail.

Plumail, aux crayons, reconstitue avec talent les décors, les tenues, les visages de cette époque. Sans adopter un style hyper-réaliste, il parvient à nous faire respirer l’atmosphère de ce septembre 1914. Les couleurs ont un rôle uniquement descriptif et ne servent pas les émotions des personnages. Si quelques onomatopées et sons sont utilisés, il n’y a aucun recours aux lignes de mouvement ou autres traits d’étonnement. Avec ce choix, Plumail adopte une sobriété qui sert son récit.
Le découpage reste simple, variant de trois à cinq bandes de une à quatre cases. Heureusement, ce cadrage sait faire varier la taille des cases afin d’éviter une trop lourde monotonie. Cela permet ainsi de donner une vue large sur un champ de bataille, découvrir le panorama de Paris aperçu d’un avion Allemand, ou encore d’entrer dans l’intimité d’un grand général.
Le cadrage joue beaucoup sur les variations entre plans de pied et plans rapprochés. Il comporte quelques rares plongées dont la plus marquante reste celle qui fait ressortir Joffre dans la scène de sa grande décision évoquée plus haut.

Les Taxis de la Marne fait un magnifique compte-rendu de l’Histoire de ce septembre 14. On aurait aimé voir plus tôt les Taxis évoqués dans le titre qui ont forgé la légende de cette bataille de la Marne, même si le but était plus de pointer les rouages qui ont amené à cette bataille. Mais au-delà de l’histoire si bien restituée, c’est l’émotion qui fait défaut à ce récit historique.

Zéda, engagé malgré lui dans la grande aventure des Taxis de la Marne