Les sorcières de Salem - la critique + le test Blu-ray

Critique : Plus célèbre œuvre de Raymond Rouleau, dont la carrière de cinéaste n’a rien d’étincelant, Les sorcières de Salem ressortit à un sous-genre particulier, le film de prestige : adaptation par Jean-Paul Sartre d’une pièce d’ Arthur Miller, comédiens chevronnés et de plusieurs générations, de Pierre Larquey aux jeunes Mylène Demongeot et Michel Piccoli, sujet historique prétexte à une reconstitution soignée : tout est réuni pour un objet culturel de haut vol. De fait, on peut trouver quelques satisfactions, que ce soit dans certaines répliques ou dans l’interprétation ; Simone Signoret surtout, impériale dans une composition marmoréenne, domine largement, mais on a également plaisir à retrouver la pléthore de seconds rôles du cinéma de l’époque, même dans de petites apparitions. En revanche, Montand est en retrait et Mylène Demongeot, remarquable quand elle incarne la tentation, peine à convaincre en victime de sorcellerie.

Si l’analyse quasi-psychanalytique d’un événement historique ou la dimension métaphorique ne peuvent qu’intéresser, avec leur lot de tensions entre religion, superstitions et pulsions sexuelles, le film souffre de défauts qui le plombent sérieusement. Le rythme d’abord, pesant, alourdit une intrigue passablement statique avec ses longs tunnels dialogués. On aimerait pourtant être saisi par l’émotion, vibrer devant l’injustice, mais Raymond Rouleau est incapable de dynamiser et, pire encore, de mettre de la chair dans cet aréopage de personnages raides et sans épaisseur. De même, par manque de confiance en l’image, souligne-t-il chaque idée, lourdement explicitée, aussi bien par les dialogues que par une musique pseudo-hollywoodienne qui ne recule pas devant les pires effets. Par moments, trop brièvement, quand le tribunal se retourne contre Proctor ou quand les jeunes filles se réjouissent d’« aider la justice », le film trouve une énergie et une densité bienvenues ; mais ces instants isolés sont noyés dans un déluge d’artifices pesants.

Les sorcières de Salem est un témoignage, représentant parfait d’un cinéma sérieux, littéraire et in fine académique et pompeux. Trop long, trop bavard, trop compassé, il apparaît vite comme boursouflé, écrasé par ses prétentions et une mise en scène illustrative. Mais on le regardera avec curiosité tant il incarne une tentative singulière, lointain héritier du Film d’art qu’incarnait en son temps (1908) L’assassinat du Duc de Guise.

Les suppléments :
Seul un entretien avec Mylène Demongeot de 20 minutes figure en bonus : la comédienne y revient en détail sur le film, depuis son casting jusqu’aux difficultés à le revoir pendant longtemps en passant par le tournage, avec force détail anecdotiques. Aussi subjectif qu’intéressant.

L’image :
Malgré quelques fourmillements trop visibles et un léger manque de définition selon les séquences, la copie présentée témoigne du soin apporté à l’image ; les contrastes, la profondeur des noirs et le grain de la peau dans les gros plans sont de belle facture.

Le son :
Débarrassé de souffle et des parasites, la piste proposée ( mono DTS-HD) rend son ampleur aux dialogues et à la musique, malgré de rares saturations.