Le 27 février 2018
Un film bancal plombé par son scénario, mais sauvé par des acteurs et une mise en scène inspirés.
- Réalisateur : Nicholas Ray
- Acteurs : Humphrey Bogart, George Macready, John Derek, Allene Roberts, Susan Perry
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Knock on any door
- Date de sortie : 8 février 1950
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– Sortie DVD et Blu-ray : le 3 mars 2018
Résumé : Un jeune délinquant, accusé du meurtre d’un policier, est défendu par un avocat qui est né et a vécu dans le même quartier que le prévenu : "Ski Row", les ruelles du malheur.
Notre avis : Troisième réalisation de Ray, première production de Bogart, ce film inégal souffre de plusieurs défauts qui tiennent au scénario, démonstratif et parfois pesant. Les dialogues très écrits, pour le meilleur et pour le pire, c’est à dire qu’ils contiennent des répliques cinglantes, mais aussi des sentences balourdes, contribuent à un effet de saturation : trop de phrases, trop de manichéisme, trop de clichés (la relation avec Emma est particulièrement mal traitée). Et pourtant le début mouvementé, avec son montage efficace, tient de la virtuosité. Mais la structure en flash-back chronologiques n’allège pas un propos édifiant trop appuyé.
Soit donc un jeune d’origine italienne, arrêté pour meurtre. Son défenseur, l’impeccable Bogart, raconte au jury l’histoire dramatique de ce délinquant : le meurtrier potentiel se révèle une victime ; de la pauvreté, des préjugés, de la société, bref d’un système qui dysfonctionne et refuse de l’aide. À cet égard la séquence de la maison de redressement frappe par sa brutalité. Mais le propos de social devient moral, surtout que l’avocat est également mû par la culpabilité de n’avoir pas sauvé son père. Le monde se divise alors schématiquement en oppresseurs et victimes, en adjuvants et opposants sans nuances.
De ce scénario pataud malgré sa générosité, Ray tire le meilleur : entre le déchirant (Emma devant son four, puis son suicide, ou la séquence finale), le haletant (la fuite après le casse), il sublime la révolte de Nick, offrant des plans magnifiques, comme les mains du jeune homme aux barreaux d’une échelle, ou cette vision subjective de la « douche » dans la maison de redressement. Dirigeant le débutant John Derek au mieux, il fait de lui un animal qui joue avec son corps, comme plus tard James Dean dans La fureur de vivre, une incarnation physique de la révolte. On retrouve d’ailleurs ce thème de la jeunesse rebelle qu’il déclinera au long de sa carrière.
Mais le film vaut aussi par nombre de détails soignés, comme la caractérisation des personnages : Squint, ses clignements d’œil et le billard, Junior et ses lunettes, le coiffeur bègue, ou le procureur balafré. Ces hommes qui reviennent sans cesse sont également le signe d’un enfermement dans des quartiers sans issue (et le titre français prend toute sa valeur).
Et puis, disons-le sans ambages, malgré le simplisme, malgré le trait appuyé, on marche sans peine dans cette histoire d’injustice criante. Indignés avec Nick, empathique avec l’avocat, on reste fascinés par le procès, situation éminemment cinématographique dont Ray s’empare vigoureusement. D’autant qu’il y a Bogart, magistral dans son jeu retenu habituel. Il arrive à densifier certains monologues par des silences et des accents impressionnants et à faire croire à son rôle de père de substitution. Même s’il a sans doute fait dériver le film à son profit (c’est la thèse de Patrick Brion dans les bonus), sa performance de haut vol fait passer sur bien des facilités.
Les suppléments :
Outre la bande-annonce, le Blu-ray propose deux entretiens, classiques dans la collection : François Guérif (7mn30) et Patrick Brion (12mn30) s’entendent sur les performances de Derek et Bogart, et sur la lourdeur du scénario. Le premier analyse les rapports entre le roman d’origine et le film, ce que corrobore le second en insistant sur le poids du producteur Bogart. Résumé lapidaire de Brion : Les ruelles du malheur est un « brouillon » ; passionnant à l’aune de la carrière de Ray, mais un brouillon quand même.
L’image :
La restauration a nettoyé intelligemment la copie, en respectant les nuances du noir et blanc, en supprimant toute scorie, sans toutefois lisser l’image et gommer un grain bienvenu.
Le son :
La VO privée de parasites garde beaucoup de chaleur malgré une absence de relief due à l’âge du film. L’épouvantable VF, même épurée, a en revanche très mal vieilli.
Galerie Photos
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