Le 6 mars 2022
Cette deuxième œuvre de cinéma énigmatique et dérangeante confirme l’émergence d’une immense réalisatrice russe tant elle maîtrise l’art des non-dits et de l’enfermement.
- Réalisateur : Kira Kovalenko
- Acteurs : Milana Aguzarova, Alik Karaev, Soslan Khugaev, Khetag Bibilov, Arsen Khetagurov
- Genre : Drame
- Nationalité : Russe
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h36mn
- Titre original : Razzhimaya Kulaki
- Date de sortie : 23 février 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Dans une ancienne ville minière en Ossétie du Nord, une jeune femme, Ada, tente d’échapper à la mainmise de sa famille qu’elle rejette autant qu’elle l’aime.
Critique : Elle pourrait être une jeune fille de son âge qui se plaît à charmer les garçons. Avec ses cheveux raccourcis, l’enfoncement du visage dans le blouson, Adadza semble toute autre. Elle attend une personne à la gare des bus, tous les jours, comme si cet homme était celui qui allait la sortir des grisailles de l’Ossétie où des bandes de gamins arrosent de leur colère les murs des immeubles. Les Poings desserrés a remporté le prix du jury Un certain Regard à Cannes. Pourtant, le film avait de quoi effrayer. L’ambiance est lourde, sinistre, au-delà même de la mélancolie. On parle ici d’une région du monde, l’Ossétie du Nord, coincée à la toute proximité de la Géorgie, où les populations décroissent à l’aune d’une économie en berne. Les gens vivent dans l’entre-soi, à l’image de la famille d’Ada elle-même, où le père règne sur ses enfants à la façon d’un despote.
- Copyright ARP Selection
Il faudrait avoir l’esprit mal tourné pour percevoir dans la figure de ce père de famille une allusion au maître fou de l’empire russe. L’homme cultive l’enfermement et la privation de liberté comme modèle d’éducation, cache les papiers de sa fille pour éviter qu’elle ne s’enfuie, et surtout fait régner dans la demeure un esprit trouble, aux relents incestueux à peine voilés. Mais Kira Kovalenko n’en dit pas plus. Une fois, le frère de la jeune-fille qui lui impose de dormir avec elle la nuit, l’appelle maman. Cette seule allusion suffit à penser qu’il pourrait être autant son petit frère que le résultat d’un enfantement forcé avec son père. Le scénario préfère le silence. C’est au spectateur de se créer une idée dans cette confusion pesante des rôles et des genres où les corps meurtris et maltraités s’invitent officiellement.
- Copyright ARP Selection
La réalisatrice a tourné essentiellement avec des comédiens amateurs. On ressent d’ailleurs dans leur jeu la puissance des lieux, la sonorité sinistre des montagnes qui entourent les maisons, et le non-dit qui caractérise les relations humaines. Le récit s’attarde sur le retour au foyer d’un frère aîné parti pour la ville. Le garçon est déterminé à sauver sa sœur de l’emprise du père sur elle. Mais le déterminisme familial, la manière dont Ada elle-même se soumet aux autres sans rechigner ont raison du combat pour la liberté. On perçoit dans le long-métrage la puissance avec laquelle les victimes s’enferment inconsciemment dans la tourmente de leurs bourreaux. En l’occurrence, Adadza est dépeinte comme une femme objet des désirs de sa famille et d’un livreur joyeux qui la force par tous les moyens à céder à ses charmes.
- Copyright ARP Selection
Les Poings desserrés est un film âpre et difficile qui laisse le spectateur sans voix. Le récit ne révèle aucun de ses mystères complètement. Il nous abandonne dans un sentiment de ne pas avoir tout compris du piège d’enfermement dans lequel Ada est prise. Dans tous les cas, il s’agit d’un immense film.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.