Méprise de tête
Le 28 février 2006
Un premier roman qui frappe fort et juste. Bienvenue dans un univers de dingues, où l’enfermement va servir de révélateur.
- Auteur : David Gilbert,
- Editeur : Belfond
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Américaine
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Comme d’autres "normaux" et juste histoire de régler ses dettes, Billy va accepter de tester des médicaments pour le compte d’un labo pharmaceutique.
Bret Easton Ellis continue de faire des petits. Toutefois, si l’influence est nette chez David Gilbert, elle n’a rien à voir avec du plagiat ou de la pâle copie. Disons que dans une société américaine désabusée et complètement dévouée aux marchés et au roi Dollar, obnubilée par le gain et le profit, David Gilbert a le culot de bâtir un personnage largué et étranger à ce monde, tout autant en dehors que les personnages d’Ellis mais jamais envieux de ces vies de luxe et d’apparat qu’on lui étale sous les yeux.
Car sortir de la prestigieuse école de Harvard ne garantit pas l’accession à une vie confortable et ce n’est pas Billy qui viendra dire le contraire. Sa copine vient de le quitter, et une société de recouvrement le harcèle pour qu’il rembourse rapidement son prêt étudiant. Fauché, en froid avec ses parents, Billy se résout à servir de cobaye dans un centre de recherches. Tester des médicaments durant quinze jours lui semble sans risque et le job est super bien payé. C’est là qu’il va faire la rencontre d’individus dont le point commun est d’appartenir à la catégorie des "normaux". Certains sont des laissés-pour-compte, quelques-uns sont des habitués de ce genre de tests, d’autres vivent leur première expérience... Mais pour tous, plonger au cœur de cette clinique dernier cri, c’est un peu comme faire le saut de l’ange.
Pour un premier roman, David Gilbert frappe fort et juste grâce à un regard impitoyable, d’une ironie cinglante, mais aussi à un sens de la narration extrêmement séduisant. De l’intérieur de ce centre, les patients ont le temps de regarder le monde avancer (et les médias de se déchaîner sur un malade dont la tumeur au cerveau ressemble au dessin du Christ sur le suaire de Turin), de s’interroger sur leurs choix et leurs existences, et surtout de tourner en rond en laissant exploser leurs névroses. Emballant et intelligent, c’est la naïveté du personnage central qui fait la force de ce récit. Un type tout ce qu’il y a de plus ordinaire, ni bon ni méchant, exposé à la folie d’un univers qui ne peut que l’avaler tout cru.
David Gilbert, Les normaux (The normals, traduit de l’américain par Jean-Luc Piningre), Belfond, 2006, 494 pages, 21,50 €
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