Le 16 août 2023
Après Les amoureux et Jeux de nuit, l’actrice Mai Zetterling réalisait avec Les filles un autre sommet du cinéma suédois, pamphlet féministe et politique, privilégiant les images qui flirtent avec la comédie, le burlesque, la satire.
- Réalisateur : Mai Zetterling
- Acteurs : Erland Josephson, Harriet Andersson, Gunnar Björnstrand, Bibi Andersson, Gunnel Lindblom, Ulf Palme, Ingvar Kjellson
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Suédois
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Flickorna
- Date de sortie : 16 juin 1969
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– Mai Zetterling, le cinéma suédois au féminin, à partir du 9 août 2023 au cinéma : Amorosa, (1986), Les amoureux (1964), Les filles, (1968), Jeux de nuit, (1966). Distributeur : Carlotta.
Résumé : Trois comédiennes, Liz, Marianne et Gunilla, partent en tournée pour jouer "Lysistrata" d’Aristophane. Presque deux mille ans séparent l’écriture de cette pièce de sa représentation en Suède. Pourtant, les trois interprètes trouvent en leurs personnages des échos troublants à leur propre vie…
NOTRE ARTICLE MAI ZETTERLING - CINÉMA FÉMINISTE ET POLITIQUE
Critique : Dans Les filles (1968), une bande de trois actrices (Liz – Bibi Andersson ; Marianne – Harriet Andersson ; et Gunilla – Gunnel Lindblom, comme échappées de chez Bergman) part en tournée pour jouer Lysistrata, d’Aristophane. La pièce retrace l’histoire de femmes refusant de se donner à leur mari jusqu’à ce que cesse la guerre. Dès la première scène de répétition, le théâtre et la fiction viennent infuser la vie quotidienne : l’une d’elles doit interpréter la colère, et l’inspiration est directement puisée dans un souvenir personnel - une dispute avec son mari. C’est par le son, puis par l’image, et le montage parallèle, que les répliques d’Aristophane trouvent un écho dans l’existence des trois comédiennes, parfois de manière antinomique : alors que dans la pièce, le serment de ne plus jamais donner son corps aux hommes est prononcé, nous voyons à l’écran Marianne courir dans un paysage enneigé, poursuivie par un homme qui ne rêve que de l’embrasser.
- Harriet Andersson, Bibi Andersson et Gunnel Lindblom dans "Les filles"
- © 1968 SANDREW FILM & TEATER AB. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
Mais la scène s’invite encore dans le présent des actrices par des jeux de mise en scène ingénieux : il y a bien sûr de nombreux sur-cadrages, qui témoignent autant de l’influence du théâtre sur les protagonistes, que de leur enfermement et de leur impossibilité à faire changer les choses. Liz s’y confronte cruellement quand à la fin de la représentation, elle entame un dialogue avec le public – dialogue qui se métamorphose en monologue, puisque les spectateurs ne prennent pas part au débat. Elle se heurte donc à la dure réalité, brise le quatrième mur en espérant provoquer, questionner, engager un mouvement de l’esprit, mais échoue. Suite à cet insuccès qui pose de nombreuses questions (l’art a t-il un impact politique ?), la mise en abyme infuse l’image : dans une séquence où Liz et son mari déambulent dans les différentes pièces aménagées d’un magasin de lits, chacune est filmée comme s’il s’agissait d’une scène, les murs encadrant le cadre comme des rideaux. Les séparations et les différents univers se trouvent liés entre eux par un mouvement de caméra fluide : le couple joue, s’installe sur le lit, presque prêt à faire l’amour, et les vendeurs deviennent public, se mettent à applaudir.
- © 1968 SANDREW FILM & TEATER AB. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
Plus tard dans le film, alors que la prise de pouvoir par les femmes commence à sérieusement inquiéter les hommes, a lieu l’enterrement imaginaire de Liz, où la gente masculine célèbre le décès de la jeune femme en riant à gorge déployée. Se met en place une séquence au comique burlesque qui vient s’opposer au comique satirique de la pièce d’Aristophane. Ce sont deux registres différents qui soulignent le combat opposé de chacun dans cette bataille des sexes. La comédie en vient à se déguiser et se transforme en cirque : les femmes, toutes réunies à l’extérieur, prennent la parole à tour de rôle, sont en désaccord. Une bagarre éclate : on s’arrache les cheveux, on crie, on devient presque fou. Cette violence soudaine vient souligner l’un des plus grands risques de la démocratie : l’incompréhension et la discorde au sein d’un même parti, qui ne peut plus être résolu que par le corps et entraîne la guerre. L’image se tord, devient floue, kaléidoscopique, et l’on plonge dans le carnaval. Carnaval qui sera repris au début d’Amorosa (1986), le dernier long métrage de Mai Zetterling.
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