Le 8 mars 2017
Une réussite délirante, drôle et élégante malgré son fond de cruauté.
- Réalisateur : Buster Keaton
- Acteurs : Buster Keaton, Ruth Dwyer, T. Roy Barnes, Snitz Edwards, Frances Raymond
- Genre : Comédie, Romance, Film muet, Noir et blanc, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Splendor Films
- Durée : 0h55mn
- Titre original : Seven Chances
- Date de sortie : 8 mars 2017
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1925
Résumé : James apprend de la bouche d’un notaire qu’il est l’unique héritier d’une colossale fortune. L’héritage est cependant soumis à une condition impérative : il doit être marié avant son prochain anniversaire. Paniqué, le jeune homme a désormais en tout et pour tout un jour pour se marier. Il a bien une petite idée concernant l’heureuse élue, mais devant les raisons si peu flatteuses de sa demande en mariage, sa bien-aimée refuse de l’épouser…
Critique : Les fiancées en folie, qui appartient à la période faste de Keaton, après Les trois âges ou La croisière du Navigator, et avant le chef-d’œuvre qu’est Le mécano de la « Générale », est resté célèbre pour la poursuite du comédien par une nuée de femmes en robe de mariée, procédé qu’il avait déjà utilisé, mais avec des policiers, dans Cops en 1922. Ce serait lui faire injure de ne retenir que cette image, certes marquante, tant l’ensemble du film est d’une invention constante. Dès les premières images, en couleurs, l’hésitation de Keaton qui se manifeste par des changements de saison et la croissance du chien donne le la : son imagination débordante lui fait utiliser tout ce qui peut lui servir, de détails infimes (le chapeau qui décroche le téléphone) aux catastrophes grandioses (les éboulements). De tout il tire un parti neuf, mobilisant les trucages (la métamorphose du décor) ou les échelles de plans qui donnent à sa frêle silhouette le statut de victime des humains et des forces de la nature.
- Copyright Splendor Films
Le film donne une impression de maîtrise et de rigueur : sa construction en succession de causes / conséquences s’appuie très tôt sur un sentiment d’urgence (voir le rôle que joue l’heure à travers tous les réveils, montres, pendules et jusqu’à l’horloger incapable de renseigner le héros) et une dépense folle d’énergie ; Keaton retrouve ici un vieux procédé du slapstick , celui du mouvement perpétuel du corps burlesque : s’arrêter, c’est mourir. En ce sens, toute l’hyperbole de la poursuite est une accumulation d’empêchements qui obligent le personnage à aller toujours plus vite, malgré une série d’obstacles impressionnants. Mais cette urgence à l’écran s’accompagne d’un agencement savant d’échos qui se répondent à travers tout le film : par deux fois, un homme cache une partie de l’affichage, ce qui conduit à un quiproquo ; de même, Keaton s’aperçoit-il tardivement de la présence des fiancées, à l’église d’abord, puis dans la rue. On pourrait multiplier les exemples, comme le retour in fine du chien, mais chaque vision apporte son lot de découvertes nouvelles, de détails passés inaperçus.
- Copyright Splendor Films
La construction repose aussi sur un crescendo : la poursuite est de plus en plus folle, de plus en plus violente, de plus en plus rapide. Elle prend une dimension de catastrophe naturelle quand la nuée de femmes est implicitement comparée à une nuée d’insectes nuisibles, qu’elles s’abattent sur un mur, une équipe de sportifs ou un champ de maïs. On peut évidemment s’étonner de pareille misogynie, d’autant que les femmes de la meute sont en général disgracieuses. Pour rester dans l’indignation, le spectateur moderne sera frappé par le racisme récurrent du film, les Noirs étant nonchalants ou effrayants. Affaire d’époque, on le sait…
Mais d’une manière générale, le monde que décrit Keaton, malgré sa drôlerie réelle, est un monde de dangers permanents, un monde peuplé de belles femmes inaccessibles (alors que les moches…), un monde régi par l’appât du gain, un monde de brimades et de moqueries. Bref, la cruauté l’emporte et même le happy end se résume à un échec. Triste misanthropie : le genre humain est impitoyable et hostile dans son ensemble, comme d’ailleurs la nature, les animaux ou les véhicules.
- Copyright Splendor Films
Il faut dire un mot du jeu étonnamment moderne de Keaton : rien chez lui des excès de la pantomime du muet ; quand il force le trait, c’est pour répéter sa déclaration, et il est ridicule. Dirigeant les autres, il les met à son diapason et cette sobriété épargne au film le regard gêné du spectateur contemporain. Cela ajoute au plaisir réel qu’il procure, plaisir rendu indémodable par l’élégance du cinéaste, jamais grossier et, répétons-le, par son inventivité débordante.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.