Les diables

Le monde de l’enfance brisée dans un film d’une sensibilité rare.

Second long métrage de Christophe Ruggia après Le gone de Chaâba en 1998, Les diables est un film rare dans le paysage cinématographique français.Voir l’interview de Christophe Ruggia

Joseph et Chloé sont orphelins. Chloé est perdue dans un monde de silence. Elle ne supporte pas qu’on la touche. Joseph la protège contre la violence du monde. Chloé dessine toujours la même maison bleue, Joseph croit que c’est leur maison, et qu’elle a le pouvoir de les y conduire. Alors ils fuguent. Ils fuient cet orphelinat, la menace de séparation, à la recherche de leur maison.

Christophe Ruggia entrer nous fait entrer de manière très subtile dans l’univers particulier de la petite autiste et du jeune délinquant. Alternant scènes ultra réalistes et images oniriques, il joue sur le contraste entre le monde des adultes, rigide, figé, sévère et celui des enfants, poétiques, idéaliste et douloureux. Par exemple, du déchirement des retrouvailles entre les enfants et leur mère biologique, on bascule dans la féérie totale du plan suivant : Adèle dans la rue, marchant, ou dansant, en effleurant doucement les passants.

Jouant sur les couleurs, sur les prises de vues serrées ou grand angle, Ruggia nous entraîne dans le monde de l’enfance brisée. Celles de ces gosses qu’on appelle les " racailles ", " les délinquants " ou les " diables ". De l’histoire de Chloé et Joseph on passe à la celle de la " bande à Karim ". On cerne mieux les problèmes de ces gosses parce qu’on les vit de l’intérieur. Le monde des adultes se dresse contre une enfance en danger qui s’exprime avec ce qu’elle peut : la violence.

Mais avant tout, Les diables, c’est une histoire d’amour. Chloé et Joseph s’aiment. Tout d’abord comme frères et sœurs, puis ils découvrent ensemble la sexualité au détour d’une scène magnifique, quand ils apprennent qu’ils n’ont pas de liens de parenté.

Bien sûr, ce que l’on retiendra du film outre le rythme parfait, les séquences émouvantes qui ne sombrent pas dans le mélo, c’est la performance d’acteurs des enfants.

Adèle Haenel et Vincent Rottiers sont d’un réalisme saisissant. Adèle a été recruté par le réalisateur dans un cours de théâtre à Montreuil. Quant à Vincent, il faisait du roller sous le métro aérien de Stalingrad quand la directrice de casting l’a repéré. Adèle et Vincent ont travaillé longtemps avant le début du tournage avec Ruggia, alternant jeux et improvisations pour les préparer à entrer dans la peau de leurs personnages. Une vraie complicité est née entre les deux enfants et le réalisateur.

Deuxième volet d’un tryptique sur l’enfance, Les diables a remporté, comme Le gone de Chabaâ en 1998, le grand prix Cannes junior 2002.