Les Dames de Kimoto - Cyril Bonin - La chronique BD

Critique : Le roman de l’autrice Sawako Ariyoshi était déjà un temple de délicatesse, une galerie de portraits évoquant la condition féminine dès 1959. En reprenant ce chef-d’œuvre de la littérature nippone en 2022, Cyril Bonin lui rend non seulement toute sa noblesse originelle, mais lui confère une touche d’actualité inestimable, à l’heure de #MeToo ou d’autres mouvements féministes égalitaires... Sans spoiler le contenu, on dira que les révélations ne sont pas celles d’une Christine Angot : les bouleversements les plus forts sont issus de l’extérieur, à savoir la politique militaire japonaise, qui vient renforcer ou fragiliser le pouvoir patriarcal de la famille. Hana, Fumio et Hanako se succèdent, même si Hana reste la figure centrale, essentielle, projetant sur le Japon ce que Downton Abbey a parfaitement réussi pour l’aristocratie anglaise : une identification, une empathie, une accroche à quelque chose d’aussi éloigné dans le temps que dans l’espace (pour un lecteur français, tout du moins).

© Sarbacane / Bonin

Le travail d’orfèvre d’Ariyoshi a été récompensé par un dessin non pas spectaculaire, mais bien calme, intangible et infaillible, puisque Cyril Bonin ne cherche jamais à entraver ses personnages, à faire surgir une métaphore, mais bien à saisir des instants, donner à voir vieillir ses dames, convaincre de la bonne foi de certains hommes, laisser filer des saisons en arrière-plan sans les forcer. C’est un trait bienveillant et gracieux qui étire les fronts, grise les tempes ou allonge une rizière, donnant des pages claires, où les dialogues ont autant de force que les courtes bouches et les doigts sveltes.

© Sarbacane / Bonin

Avec cette adaptation aboutie d’un beau monument littéraire, Cyril Bonin s’invite au cœur d’une bande dessinée au service du récit, mais qui ne s’inscrit pas dans le courant du roman graphique, pour respecter au maximum l’œuvre originale.